Jérôme Noirez
Les éditions Albin Michel nous livrent le nouveau Maxime Chattam, Un(e)secte, techno-thriller vaguement horrifique. Nous y suivons les enquêtes de deux personnages, un flic chargé de résoudre la mort mystérieuse d’un journaliste littéralement dévoré par une myriade d’insectes d’un côté, et l’enquête d’une privée engagée par une mère pour retrouver sa jeune fille portée disparue. Les protagonistes finissent l’un comme l’autre par remonter leurs pistes respectives, lesquelles finiront par se confondre pour n’offrir qu’un seul suspect aux intentions des plus diaboliques.

Infos pratiques

Un(e)secte

Maxime Chattam

France

Julien Papet

Adam Gault/OJO Images/Getty Images

Albin Michel

Inédit

464 pages

Grand Format

22,90 euros

978-2-226-31949-4

© Éditions Albin Michel, 2019 — © Maxime Chattam, 2019
Couverture © Julien Papet, 2019 — Photomontage © Adam Gault/OJO Images/Getty Images, 2019

Le Signal, Maxime Chattam, Éditions Albin Michel

Retrouvez
la chronique

LE SIGNAL

Un(e)secte

Maxime Chattam

Éditions Albin Michel

Chronique réalisée par Franck Brénugat

Enquête policière

États-Unis / De nos jours

Techno-thriller

NOTRE ÉVALUATION

Histoire
Écriture
Personnages
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HISTOIRE

Nous sommes à Los Angeles, une cité qui porte bien mal son nom, à en croire la singulière cruauté qui semble s’être déversée lors d’une mise à mort pour le moins étrange d’un journaliste, dont on vient de retrouver le cadavre sur les hauteurs de la ville. Un cadavre dont il ne reste en réalité que les os, vidé de sa dernière goutte de sang. Celui-ci a manifestement été au menu d’une myriade d’insectes, lesquels jonchent le sol par centaines, voire par milliers, en une bouillie infâme au côté de ce dernier. Toutefois, la configuration d’une telle mort défie les lois naturelles de la biologie, étant donné qu’il faut en temps normal plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant que le corps ne se décompose totalement, mangé par les vers et autres bestioles peu ragoûtantes. Ici, en revanche, tout porte à croire que le cadavre — du moins ce qu’il en reste — est encore tout frais. Atticus Gore, de la police fédérale, sera chargé de l’affaire en vue de confondre un tueur aux méthodes des plus sanguinaires. Tandis que notre protagoniste travaille sur le versant ouest du grand territoire étatsunien, nous suivons, en parallèle, sur son versant opposé, les péripéties d’une privée new-yorkaise, Kat Kordell, chargée par une mère de retrouver sa fille mystérieusement disparue. La fille disparue est présentée comme une jeune femme aux allures gothiques et psychologiquement fragile, obsédée par un monde entré en déliquescence.

Et chacun de mener son enquête respective, afin de démasquer quel auteur se cache derrière ces sombres agissements, car tout semblerait croire que la jeune fille recherchée ait été enlevée. Tandis que l’enquêteur Atticus Gore se voit confronté à d’autres cas tout aussi inexpliqués, Kat découvre de son côté les bas-fonds new-yorkais, lesquels voient disparaitre un nombre non négligeable de SDF, disparitions manifestement rattachées à celle de notre jeune fille elle aussi volatilisée. Leurs enquêtes finiront par se croiser pour laisser apparaître un coupable pour le moins surprenant, aux aspirations qui ne sont pas moins. Et notre duo d’affronter un ennemi dont l’envergure sembler sans limites. David réussira-t-il à occire le géant Goliath ?

Lecture

Déception que cette lecture du dernier Chattam, il faut bien l’avouer ! Autant le prologue laissait entrevoir une dimension horrifique, sinon inquiétante pour la suite du récit, autant le corps même du récit se singularise par l’absence remarquée et remarquable de tout élément proprement horrifique. Les chapitres défilent les uns à la suite des autres sous les feux d’une double enquête de police et d’une privée des plus convenues… Il faudra patiemment attendre les tout derniers chapitres pour retrouver un semblant de frisson. Et encore… Concernant notre compteur au trouillomètre, nous sommes bien loin de son précédent titre, Le Signal, qui lui, ne trompait pas son lecteur sur les promesses engagées. Un(e)secte offre tout au plus une enquête bien ficelée et efficace, mais sans charme manifeste. Fort heureusement, Chattam maîtrise suffisamment bien les codes pour proposer au lecteur l’incontournable regain d’intérêt attendu en fin de chaque section, remplissant en cela les conditions d’un page turner tout à fait lisible, faute d’être attachant. En témoignent une galerie de personnages correctement charpentés et des dialogues de bon aloi, au bénéfice d’une enquête rondement menée. Le scénario proposé aurait toute sa place pour un épisode de la légendaire et remarquable série X-Files et son incontournable quincaillerie : théorie du complot, grosse société technologique aux desseins obscurs, dimension fantastique ou science-fictionnelle — la seconde dans notre cas —, binôme que tout ou presque oppose, etc. On appréciera par ailleurs la maîtrise narrative du sieur Chattam concernant les lieux et ambiances des grandes villes de l’Oncle Sam, ainsi que le crédit apporté au cadre de l’enquête. Comme toujours, chez l’auteur, l’écriture se veut efficace, visant à l’épure et faisant de la forme dialoguée sa principale force. Point de longues narrations descriptives ou introspectives, contrairement à ce que laissait entrevoir le prologue, fort réussi en cela. Si Chattam avait poursuivi le reste du récit dans la même veine et avec la même verve, nous aurions eu un récit sensiblement plus exaltant. Malheureusement pour notre registre, la trame horrifique s’estompe bien trop rapidement au profit d’une trame policière bien plus consensuelle et prévisible.

L’essentiel du récit tourne en effet autour de deux enquêtes menées parallèlement, lesquelles nous privent de quelques séances meurtrières tant espérées — votre chroniqueur est un lecteur quelque peu voyeur, mais n’est-ce point là le fonds de commerce de cette littérature de mauvais genre ? Et si ce même lecteur se voit privé du fruit défendu, que lui reste-t-il alors à se mettre sous la dent ? Ici, en l’occurrence, plus grand-chose… Pas même lors des derniers chapitres, lesquels auraient pu offrir à son auteur un espace propice pour régler ses comptes envers le capitalisme débridé de notre société post-humaniste. Chattam ne se montre manifestement pas aussi incisif et mordant que ses charmantes créatures…Tant s’en faut. La saillie à l’encontre des effets pervers des monopoles que représentent les GAFAM — GAFAK dans le texte — s’avère bien sage, sentiment accentué par une conclusion quelque peu précipitée qui plus est. Il est bien regrettable que l’auteur ait retenu ses coups, tant dans le registre horrifique que critique. Un coup d’épée dans l’eau en somme. Les entomophobes pourront continuer à dormir en paix. Point de démangeaisons à craindre une fois le pavé sagement reposé sur sa table de chevet. Les croissantistes pourront de leur côté sagement continuer à capitaliser sur les dépouilles de notre chère planète.

Certains ne manqueront pas de comparer Un(e)secte avec La Trilogie des fourmis, fruit d’un autre auteur de best-sellers signé Bernard Werber. Si la thématique entomologiste est de rigueur chez l’un comme chez l’autre, et si l’un comme l’autre se défendent d’un récit bien documenté dans ledit registre, nous serions tentés de vouer notre préférence pour le second, à qualité narrative égale, dans la mesure où Werber donne bien plus à voir et à penser. Au terme de cette lecture, reste un page turner qui remplit honorablement ses fonctions sans trop de heurts, mais qui semble loin de rivaliser avec une concurrence autrement mieux armée dans le registre du techno-thriller. Gageons que le sieur prendra le temps nécessaire pour une rédaction plus consciencieuse — et plus audacieuse surtout — lors de son prochain fait d’armes !

Vidéos

Maxime Chattam : le virtuose du suspense. Je t’aime etc.

Un(e)secte de Maxime Chattam lu par Emmanuel Dekoninck. Audiolib.

Sites internet