Publié aux éditions Soleil, Minivip & Supervip – Le Mystère du va-et-vient est un récit de science-fiction nous propulsant dans un univers d’anticipation où notre environnement, la Terre, est fortement dégradé par la pollution. Qui est responsable ? Derrière l’inconscience de l’humanité se cache un plan machiavélique orchestré par des extraterrestres pour coloniser la Terre, après l’avoir adaptée à leurs besoins. Le scénariste Bruno Bozetto et le dessinateur Grégory Panaccione nous transportent dans cet univers délirant et burlesque en compagnie de deux super-héros pour sauver notre chère planète…
Infos pratiques
Minivip & Supervip
Bruno Bozzetto &
Grégory Panaccione
Grégory Panaccione
Éditions Soleil
Chronique réalisée par Lionel Gibert
sous la supervision de Jean-Marc Saliou
sous la supervision de Jean-Marc Saliou
HISTOIRE
Pollution : 99.99 %. La Terre est bleue comme une pomme pourrie. L’automobile et, plus largement, le consumérisme effréné ont dégradé notre environnement. Constamment, une bruine marron, peu engageante, recouvre l’ensemble de la planète qui vit aux bruits des klaxons. Les Terriens irascibles et individualistes ont trouvé la solution : ils se protègent par des masques à gaz.
Heureusement, nos deux super-héros masqués et aux pouvoirs singuliers sont là : Minivip & Supervip. Le premier est fort, invulnérable, beau et se déplace à une vitesse sonique tandis que le second est plutôt gringalet et voltige avec difficultés, à quelques centimètres seulement au-dessus du sol. Mais nos deux surhommes sont inconscients du danger qui menace la Terre. Pris dans les turpitudes de leur vie, Supervip pleure un amour qui l’a délaissé alors que Minivip recherche la reconnaissance grâce à la « superpuissance », boule aux multifonctions qui fonctionne sans énergie.
Loin, très très loin de la Terre : Sparky. Humidité 141 %. Une planète fouettée par une pluie constante et sous la coupe de sa malfaisante et tyrannique majesté « Sa Fertilité ». Ce gros cafard obèse et immortel est secondé par des sujets dociles à l’efficacité douteuse afin de réaliser son planning project d’invasion de la Terre. Depuis longtemps, très longtemps même, Sa Fertilitéa guidé l’évolution de l’Homme en nous offrant d’abord la roue puis des idées en vue d’améliorer notre locomotion et enfin le pétrole. Aujourd’hui, avec sept milliards d’individus, le trafic est paralysé et l’atmosphère contaminée. Cette contamination, précisément calibrée précisément, va permettre l’éclosion de 500 000 de ses meilleurs œufs. La phase finale de l’invasion est imminente. Le va-et-vient, transporteur universel — objet mystérieux qui permet de se déplacer instantanément en tout point de l’univers — assurera la conquête finale de la Terre. Seulement, voilà, l’un de ces quatre transporteurs a disparu. Les derniers jours de l’humanité sont-ils dès lors comptés ? Comment nos deux super-héros parviendront-ils à sauver la Terre ?
Lecture
Minivip & Supervip – Le Mystère du va-et-vient est une bande dessinée construite comme un dessin animé. Elle est en effet l’adaptation d’un des longs-métrages du producteur, réalisateur et scénariste de films d’animation politiques et satiriques Bruno Bozetto : Vip, mon frère superman. Le travail de ce dernier a été récompensé en 1990 lors du festival de Berlin par l’obtention de l’Ours d’or pour son film Mister Tao.
Bruno Bozetto et Gregory Panaccione commencent par nous décrire la situation initiale : la Terre est saturée par la pollution. Le scénario nous transporte ensuite instantanément sur la planète Sparky, là où règne la menace réelle : des créatures cafardéimorphes veulent en effet envahir la Terre. Celles-ci sont responsables — mais point coupables — de la pollution sur Terre. Vient alors l’affrontement final entre nos deux super-héros et les méchants. Dans ce découpage, l’alternance des séquences sur Terre et sur la planète Sparky insuffle une dynamique au récit qui parvient à nous tenir en haleine. Les séquences sur Terre se détachent sur fond blanc tandis que les séquences sur Sparky se déclinent sur fond noir. Cette opposition des couleurs pour le fond des planches nous invite, si besoin est, à choisir notre camp. À côté du découpage des planches en cases, les auteurs nous offrent des doubles pages pleines pour des plans d’ensemble fort convaincants. Ces moments de répit nous apaisent entre les moments forts de l’histoire. De nombreux emanata, onomatopées et lignes de vitesse sont utilisés pour signifier le mouvement, renforçant ainsi les actions et le dynamisme du récit. Ne perdons pas de vue que Panaccione a travaillé quelque vingt années dans l’animation. Il a réalisé de nombreux story-boards qui lui ont appris à décomposer le mouvement des personnages, d’où cet art maîtrisé de la représentation des personnages en mouvement et de leurs gestuelles.
Le burlesque est assurément l’une des clés de cette bande dessinée et repose sur la parodie. Les auteurs s’inspirent de notre culture populaire pour la détourner, en lui rajoutant des éléments comiques. Minivip & Supervipsont des caricatures de super-héros. À la page 95, l’élément comique de la situation est apporté par l’envol raté de Minivip succédant au vol réussi de Supervip. L’emanata « Atteeeeeeends » qui précède la chute dans le vide de notre super-héros et la ligne de vitesse renforcent l’effet comique. Fort heureusement, Minivip se raccrochera à la façade de l’immeuble… Le spectacle est également de la partie sur les doubles pages 226-231 où le combat entre Supervip et Sterminator est présenté et commenté comme un combat de catch américain. Rire garanti ! Le nom des prises est évocateur comme le « Breaking Balls » ou l’ »Ass Kicking ». Il est accompagné de dessins explicites pour lequel l’expression des visages des personnages nous rend hilares. Bozzetto et Panaccione convoquent également notre imaginaire au travers de références cinématographiques de films de science-fiction populaires : Star Wars, Mars Attack ou encore Star Trek. Là encore, nos compères détournent les codes. Ils donnent par ailleurs au commandant en second Spock un sens de l’humour à contre-courant de l’esprit logique et de la nature stoïque des Vulcains : « Intéressant ! Un Terrien en pyjama rouge…. J’en déduis que c’est un communiste. »
Comme pour Chronosquad, le dessin de Panaccione s’avère efficace et humoristique. Les traits des personnages simplifiés mettent en valeur leurs caractéristiques. Ce style caricatural sied à merveille au ton de cet album. Ainsi Willie, Sparkien renégat est-il affublé d’un nez allongé et d’une bouche tout deux énormes ainsi que d’une tête minuscule sur laquelle viennent se greffer deux yeux globuleux. Dans un visage, ce sont les yeux, la bouche et le nez que nous repérons d’emblée. Ces trois aspects-là suffisent à caractériser un visage et à faire ressortir à la fois les expressions et les sentiments des personnages. Les traits exagérés de Willie rendent ce personnage burlesque et attachant. D’un côté, sa teinte bleue et sa physionomie rappellent les personnages du dessin animé Oggy et les cafards. D’un autre côté, son impertinence, son retrait face à certains événements et dans une moindre mesure son ventre rouge orné de points noirs rappellent la coccinelle de Gotlib. Il apparaît même à certaines occasions comme un second narrateur.
Petite déception, toutefois, concernant le dénouement : notre victoire sur les Sparkiens est rapidement expédiée. Sous couvert de cette histoire, l’occasion est trop belle pour Bozetto et Panaccione de nous questionner sur de nombreuses thématiques : écologie, entraide, différence et mode de vie étant au cœur de ce récit. Finalement, Minivip & Supervip, le mystère du va-et-vient est une bande dessinée divertissante, imaginative nous invitant à passer un bon moment de détente. Un seul regret, pour nous, une conclusion trop hâtive.
Vidéos
Bande-Annonce de Minivip & Supervip, Éditions Soleil. Éditions Soleil.
Interview du réalisateur et scénariste Bruno Bozzetto. Festival d’Annecy.