Jérôme Noirez
Les éditions Delcourt publient Ombre-Montagne, le premier tome du triptyque Le Serpent et la Lance. Nous partons pour l’empire aztèque, dans un thriller palpitant à la suite prometteuse et très attendue. Des meurtres rituels terrifient l’empire. L’enquête est confiée à un personnage sans scrupule, Serpent. Nous, nous partons dans une contre-enquête avec Œil-Lance et ses deux compagnons à la recherche du véritable coupable. Hub, dessinateur et scénariste de cette trilogie, accompagné par Li aux couleurs, nous proposent leur vision du monde unique où régnaient enjeux de pouvoir, mysticisme et sacrifices humains.

Infos pratiques

Le Serpent et la Lance — Ombre-Montagne

France

Delcourt

Terres de Légendes

Inédit

Novembre 2019

Tome 1/3

184 pages

21 x 29,7 — Couleurs

978-2-7560-9903-3

24,95 euros

© Éditions Delcourt, 2019 — © Hub, 2019

Le Serpent et la Lance
Acte 1 : Ombre-Montagne

Hub

Éditions Delcourt

Chronique réalisée par Lionel Gibert et Jean Marc Saliou
Le Serpent et la Lance — Tome 1 — Ombre-Montagne — Scénario et Dessin : Hub — Couleurs : Li — © Éditions Delcourt, 2019 — © Hub, 2019

Quête

Terre / Empire aztèque et monde unique

Thriller

NOTRE ÉVALUATION

Dessin
Personnages
Histoire
Vidéos
liens Internet

HISTOIRE

Elle était recroquevillée sur elle-même, les pieds et les poings liés avec dans sa main droite un épi de maïs. Son visage exprimait la terreur : teint blafard peint à la chaux, visage décharné, dents arrachées et orbites énucléées. Cette jeune fille a été sauvagement assassinée. La momie trônait dans la salle du « lieu de la parole » face au milieu du Chuacoatl, le conseiller de l’empereur, et quelques hauts dignitaires. Cette momie n’est qu’une de celles retrouvées dans le monde unique. L’empire aztèque est aux abois : dans l’ombre, un tueur en série guette. Les momies sont de plus en plus nombreuses. D’abord retrouvées aux confins de l’empire, elles sont maintenant aux abords de la capitale, Tenochtitlan. Le temps presse, cette affaire doit rester secrète.

Serpent, officier de justice aussi cruel qu’efficace, est chargé par le vice-roi de mener l’enquête sur cette sombre affaire. Accompagné par Tamali, son homme de main, il part à la recherche d’indices et surtout de témoins pour réduire ces derniers au silence. Coaztl, le grand-prêtre du culte de Tlaloc, celui qui fait ruisseler les choses, est inquiet. Il a reconnu des similitudes entre les blessures infligées à la jeune fille et des pratiques rituelles du culte de Tlaloc. Très vite, les soupçons risquent de se porter sur lui et ses disciples. Les présages sont noirs. Une chamane le met en garde : « Je vois dans les méandres de l’avenir et du présent une sombre tache se mouvoir. Elle grossit dangereusement au sein même de ton ordre. »

Il doit absolument savoir et s’empresse donc de mener sa propre enquête. Mais qui pourrait l’aider ? Un homme de confiance, au sens de l’observation aiguisé : Œil-Lance, son ami d’enfance. Coaztl n’est pas le seul à le rechercher. Ombre-Montagne, leur ancien maître veut aussi lui parler. Œil-Lance, voyageur-commerçant, revient à contrecœur dans la capitale où tant de mauvais souvenirs le bousculent. Accompagné de Longues-Jambes, guerrier tlaxcaltèque et de Tchitchica, sorcière Mixtèque, Œil-Lance reprend la piste des anciennes recherches de son maître sur le Nagual. Cette bête monstrueuse, assoiffée de sang, serait de retour. Notre héros est sûr d’un seul élément : le mode opératoire et la mise en scène ne lui sont pas inconnus. Il les a déjà vus. Mais où cela ? Autre certitude : son passé le rattrape.

Le Serpent et la Lance — Tome 1 — Ombre-Montagne — Scénario et Dessin : Hub — Couleurs : Li
© Éditions Delcourt, 2019 — © Hub, 2019

Illustrations Le Serpent et la Lance 05 et 06
Le Serpent et la Lance — Tome 1 — Ombre-Montagne — Édition noir et blanc — Scénario et Dessin : Hub
© Éditions Delcourt, 2019 — © Hub, 2019

Lecture

Sous la plume et le trait de Hub, le premier tome du triptyque Le Serpent et la Lance nous projette dans l’empire aztèque dans l’année Tochtli, 65 ans avant sa conquête par les conquistadors. Rares sont les bandes dessinées qui traitent des civilisations précolombiennes : olmèque, maya, inca et aztèque, pour les plus connues. Les recherches documentaires fouillées, la qualité du scénario et l’attrait pour cet univers méconnu aboutissent à un thriller haletant où se mêlent aventure, mystère et mysticisme.

Dans l’acte 1 Ombre-Montagne, Hub présente le canevas de son histoire : les personnages principaux et leur passé, le mode de vie et les coutumes des Aztèques et bien sûr l’intrigue, à savoir ici le retour du rôdeur, le Nagual. Les séquences s’enchaînent sur plusieurs pages, certaines demeurant bien mystérieuses pour l’instant, comme en témoignent les assassinats et les momifications de jeunes adolescentes. Elles nous forcent à nous interroger. Quel lien existe-t-il entre la famine survenue il y a une vingtaine d’années et ces meurtres ? Pourquoi Œil-Lance, notre héros, connait-il des transes qui l’envoient dans l’inframonde ? Dans les autres séquences, nous suivons alternativement les progrès de l’enquête de chaque groupe. D’un côté, Serpent et Tamali, chargés officiellement des investigations par le vice-roi et de l’autre côté, Œil-Lance, Longues-Jambes et Tchitchica, lesquels enquêtent pour le compte du grand-prêtre de Tlaloc. Deux équipes que tout oppose. L’arrangement de ces séquences forme un récit cohérent et captivant. Ce dynamisme est renforcé par cette équipe hétéroclite : Œil-Lance, un commerçant voyageur, Longues-Jambes, un guerrier tlaxcaltèque et Tchitchica, une sorcière. Quels liens peuvent unir ces personnages ? Et pourquoi Œil-Lance veut-il se venger de Serpent ?

Grâce à un dessin semi-réaliste remarquable, Hub parvient à donner de la densité à son histoire. Influencé par des auteurs comme Marc Michetz pour Kogaratsu, mais surtout Miyazaki ou Otomo, il alterne de longs panoramiques avec de gros plans plus intimistes. Ces derniers restituent à merveille toute la panoplie des émotions. Les expressions bien détaillées des visages se montrent en ce sens remarquablement restituées. Du même trait, il apporte un soin tout particulier aux reconstitutions évoquant le quotidien des Aztèques. Les décors sont réalisés avec précision et soin. Ceux-ci impriment une atmosphère et un réalisme évident à son histoire. En témoignent l’ambiance foisonnante de Tenochtitlan avec ses riches palais et ses bas quartiers et le marché haut en couleur de Tlatelolco. Les nombreux costumes, tous différents, permettent de caractériser les différents personnages, plus particulièrement grâce à leurs parures et leurs coiffures originales. On appréciera la superbe coiffe de Coaztl se terminant par de hautes plumes tout comme les nombreux tatouages sur le corps de Longues-Jambes qui le font ressembler à un guépard. Tchitchica se veut un personnage plus singulier encore. Cette dernière ne s’exprime en effet que par des glyphes, dessins évocateurs.

La mise en couleur, très réussie, est l’œuvre de Li. Les nombreuses couleurs utilisées accentuent la dimension visuelle du récit, notamment lors de certaines scènes particulièrement sombres. Son remarquable travail rehausse avec justesse l’intensité des ambiances et offre une tonalité singulière au graphisme.

L’acte un du triptyque Le Serpent et la Lance, édité aux éditions Delcourt, s’avère un album captivant et remarquablement mis en images, bénéficiant qui plus est d’un rythme soutenu. Le scénario, fort bien construit, a d’ailleurs conduit le rédacteur de cette chronique à une relecture. Juste pour le plaisir. En attendant impatiemment le deuxième tome Maison-vide. Pourtant, passer de l’ère médiévale du Japon à l’ère précolombienne avec la civilisation aztèque, encore méconnue, n’est guère facile. À l’instar de Jean-Yves Mitton avec Quetzacoalt, Hub seul au scénario et au dessin, transforme avec une belle élégance son essai.

Vidéos

Le Serpent et la Lance – Le Making of de la BD.
Éditions Delcourt.

Le Serpent et la Lance – Une nouvelle série pour Hub.
Éditions Delcourt.

Sites internet