Jérôme Noirez
L’œuvre d’Edgar Rice Burroughs est des plus considérables, comptant quelque soixante-dix ouvrages traduits en plus de soixante langues. Parmi les nombreux cycles issus de sa fertile imagination, si le plus connu et le plus populaire d’entre eux demeure incontestablement le Cycle de Tarzan, le Cycle de Mars arrive juste après dans l’œuvre pléthorique de l’auteur. Au travers d’une douzaine de récits, nous suivons les aventures hors du commun de John Carter de Mars et de sa descendance aux quatre coins de Barsoom la Rouge. Aventures martiennes à suivre dans cette intégrale scindée en deux beaux pavés disponibles chez Omnibus.

Infos pratiques

Tome 1 : La Princesse de Mars (1937)
Tome 2 : Les Dieux de Mars (1937)
Tome 3 : Le Guerrier de Mars (1971)
Tome 4 : Thuvia, vierge de Mars (1971)
Tome 5 : Échecs sur Mars (1971)
Tome 6 : Le Conspirateur de Mars (1984)
Tome 7 : Le Combattant de Mars (1986)
Tome 8 : Les Épées de Mars (1995)
Tome 9 : Les Hommes synthétiques de Mars (1995)
Tome 10 : Llana de Gathol (1995)
Tome 11 : John Carter de Mars (1955)

Tome 1 : A Princess of Mars (1917)
Tome 2 : The Gods of Mars (1918)
Tome 3 : The Warlord of Mars (1919)
Tome 4 : Thuvia, Maid of Mars (1920)
Tome 5 : The Chessmen of Mars (1922)
Tome 6 : The Master Mind of Mars (1928)
Tome 7 : A Fighting Man of Mars (1986)
Tome 8 : Swords of Mars (1936)
Tome 9 : Synthetic Men of Mars (1940)
Tome 10 : Llana of Gathol (1948)
Tome 11 : John Carter of Mars (1964)

Edgar Rice Burroughs

États-Unis

Charles-Noël Martin (T1/T2/T3/T4)
Sébastien Guillot (T5)
Martine Blond (T6/T7/T8/T9/T10)

J.-F. Amsel (T1/T2/T3/T4)

Frédéric Jaccaud

Marc Taraskoff

Atelier Didier Thimonier

Omnibus

2 Tomes, 1934 pages

Tome 1 : 2012
Tome 2 : 2013

Réédition
Disponible en omnibus et en poche
Disponible sous coffret omnibus

Tome 1 : 208 pages
Tome 2 : 228 pages
Tome 3 : 156 pages
Tome 4 : 128 pages
Tome 5 : 219 pages
Tome 6 : 136 pages
Tome 7 : 220 pages
Tome 8 : 218 pages
Tome 9 : 178 pages
Tome 10 : 225 pages
Omnibus : 
Tome 1 : 946 pages
Tome 2 : 984 pages

Moyen Format

Tome 1 : 978-2-258-08770-5
Tome 2 : 978-2-258-10561-4

Tome 1 : 28,00 euros
Tome 2 : 28,00 euros

© Éditions Omnibus, 2012, 2013
© Edgar Rice Burroughs
© Illustrations de couverture Marc Taraskoff

Le Cycle de Mars

Edgar Rice Burroughs

Éditions Omnibus

Chronique réalisée par Frank Brénugat

Aventures héroïques sur Mars

Mars et Terre / Première moitié du XXe siècle

Planet Opera

NOTRE ÉVALUATION

Histoire
Écriture
Personnages
Vidéos
liens Internet

HISTOIRE

Poursuivi par une horde d’Apaches sur les terres de Virginie, le capitaine John Carter se réfugie dans une grotte, espérant de la sorte échapper à ses ennemis. Ces derniers abandonnent bien vite leur traque quand ils découvrent la nature singulière de ce refuge. Endroit maudit et interdit, empreint de forces surnaturelles qu’il convient de ne pas déranger, ils laissent Carter et s’en retournent rondement. Se pensant hors de tout danger, notre héros s’assoupit alors et se met à rêvasser de Mars, la bien nommée planète rouge, lieu de récurrentes songeries. Et comme par enchantement, celui-ci se voit littéralement et instantanément transporté sur l’astre rouge. « Alors, gagné par une extrême fatigue, John Carter se livre à de profondes méditations, lesquelles l’amènent à contempler Mars, fasciné par cette étrange et attirante planète rouge. Tout à coup, je me sentis entraîné, transporté à la vitesse de la pensée à travers l’immensité infinie de l’espace. Il y eut un bref instant de froid extrême et d’obscurité insoutenable. Je rouvris les yeux sur un paysage étrange, surnaturel, et me trouvai habité d’une certitude immédiate : j’étais sur Mars ! Intuition si profondément ancrée que je me trouvais dans l’impossibilité de la mettre en doute. Pourtant, n’était-ce pas le fruit d’une hallucination, ou d’un instant de folie momentanée — toujours possible —, ou encore, plus simplement, le seul fait du sommeil, tout cela n’étant qu’un rêve ou un cauchemar ? » (La Princesse de Mars) Bien davantage qu’un rêve, un enchantement assurément, pour celui qui fera de Barsoom sa planète d’adoption et de cœur. À son arrivée sur Mars, Carter voit ses forces démultipliées, la faible gravité martienne étant des plus profitables pour le terrien qu’il est. Commencent alors pour notre héros des aventures toutes plus fabuleuses les unes que les autres. Se liant d’amitié avec un Martien Vert du nom de Tars Tarkas — un géant de plus de quatre mètres doté de deux membres intermédiaires —, Carter n’aura de cesse d’apporter la justice aux quatre coins de Barsoom, nom donné à la planète Mars par ses habitants. Barsoom est une planète mourante, couverte d’océans asséchés et de cités déchues, où les quelques tribus survivantes se livrent maints combats afin d’assurer une ultime suprématie dans cette immensité rongée par le désert. La planète se singularise en effet par son amour du son des armes qui s’entrechoquent, où les guerres se livrent autant à coups de sabre que d’armes technologiques. « Les Martiens ont horreur des sons discordants et des vociférations. Les seuls bruits qu’ils aiment sont ceux des évolutions martiales : le heurt des armes entrechoquées ou la collision entre deux puissants vaisseaux aériens de combat ; il n’y a pas plus belle musique pour eux que celle-là. » (Thuvia, Vierge de Mars) En cela, la planète Barsoom épouse magistralement la symbolique romaine de la mythologie terrienne. Et Carter de mener bataille sur bataille jusqu’à gravir le sommet de la hiérarchie militaropolitique barsoomienne et d’unifier les peuples barsoomiens. Il épousera Dejah Thoris, la plus belle femme des deux mondes. Leur union donnera naissance à une héroïque descendance dont il sera possible de suivre les non moins remarquables exploits, livrant d’incessantes luttes en ces territoires hostiles, constamment portés par les incessantes guerres entre les différentes races et factions qui règnent sur Barsoom. Fils et fille porteront à leur tour le flambeau d’une liberté toute chevaleresque et toute empreinte de la Conquête de l’Ouest chère à l’auteur. Cette première descendance donnera également naissance à une nouvelle génération de héros. Ainsi, nous est-il donné de suivre les aventures des enfants et petits-enfants du couple Carter/Thoris, fruits de Mars et de la Terre, dont les faits d’armes entérinent plus que jamais la légende de John Carter de Mars.

• A Princess of Mars : A Princess of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1917 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1917
© Illustration de l’édition originale Frank Earle Schonoover, 1917.
• The Gods of Mars : The Gods of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1918 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1918
© Illustration de l’édition originale Frank Earle Schonoover, 1918.
• The Warlord of Mars : The Warlord of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1919 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1919
© Illustration de l’édition originale J. Allen St. John, 1919.
• Thuvia, Maid of Mars : Thuvia, Maid of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1920 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1920
© Illustration de l’édition originale J. Allen St. John, 1920.
• The Chessmen of Mars : The Chessmen of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1922 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1922
© Illustration J. Allen St. John, 1922.
• The Master Mind of Mars : The Master Mind of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1928 — © Éditions A. C .McClurg & Co, 1928
© Illustration J. Allen St. John.
• A Fighting Man of Mars : A Fighting Man of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1931 — © Éditions John Lane, 1932
© Illustration pour la deuxième édition J. H. Hartley, 1932.
• Swords of Mars : A Fighting Man of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1936 — © Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1936
© Illustration J. Allen St. John, 1936.
• Synthetic Men of Mars : Synthetic Men of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1940 — © Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1940
© Illustration de l’édition originale John Coleman Burroughs, 1940.
• Llana de Gathol : Llana de Gathol — © Edgar Rice Burroughs, 1948 — © Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1948
© Illustration de l’édition originale John Coleman Burroughs, 1948.
• John Carter of Mars : John Carter of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1940 et 1943 pour les parutions originales en magazine
© Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1964 pour la parution en livre
© Illustration pour la version revue et corrigée de John Carter and the Giant of Mars pour le magazine Amazing Stories, Janvier 1941, J. Allen St. John, 1941.

THÉMATIQUE

Si le protagoniste John Carter disparait rapidement des radars, dès le quatrième opus, c’est au profit d’une autre figure principale, Barsoom elle-même, personnage omniprésent du cycle. Car c’est bien cette dernière qui fait figure de personnage incontournable, centre de tous les enjeux narratifs et autres machinations en tous genres. En ce sens, Burroughs est assurément le fondateur de ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler le planet opera. L’auteur, ayant réussi à faire parvenir son héros terrien au sommet de la pyramide barsoomienne en l’espace d’à peine trois récits, se doit dorénavant d’exploiter d’autres protagonistes afin de satisfaire un lectorat avide d’aventures plaisantes. Ce sont donc les enfants et petits-enfants de Carter qui porteront dorénavant le flambeau, Carter n’apparaissant plus qu’en de rares occasions. Et Burroughs de continuer d’offrir au lecteur une Barsoom empreinte de majesté, de grâce, de beauté, de diversité, mais aussi de conflits, de haines, de tromperies. Autant d’ingrédients narratifs pour un véritable maelstrom de couleurs sans cesse reconduit. Nous faisons ainsi la découverte de surprenantes formes de vie, de singuliers ennemis, d’impossibles amours, de somptueux panoramas et de surprenantes races. Les Martiens Verts et Rouges des premiers épisodes s’effacent-ils ainsi au profit des Martiens Noirs, Blancs et Jaunes. À chaque nouvel épisode, faisons-nous la connaissance d’une nouvelle race, occasion donnée de découvrir de nouvelles cultures, de nouveaux mèmes, dont les principes et modes sont toutefois seulement esquissés par l’auteur. Nous sommes en effet loin d’un travail aussi attentionné en ce sens que celui dont surent faire preuve un Jack Vance ou un Frank Herbert par exemple — autres parangons du récit de planet opera. Cependant, malgré cet impératif économique de présenter au lecteur une aventure menée à tombeau ouvert sur un format de quelque 200 pages, force est néanmoins de constater qu’au fil de la douzaine de récits, notre connaissance de Barsoom se densifie, nous invitant de la sorte à mieux appréhender les enjeux et rivalités en cours. L’auteur endosse — avec une certaine parcimonie, il est vrai, mais avec sincérité et efficacité au demeurant — la casquette de l’ethnologue, de l’anthropologue, de l’historien, du biologiste ou de l’ingénieur. Certes, si la dimension professorale relève davantage du cours élémentaire que celui d’études supérieures, on se plait néanmoins à rêver d’arpenter les étranges territoires et de démasquer les non moins étranges civilisations que Barsoom propose à ses bienheureux explorateurs. À cette étonnante prodigalité du vivant, Burroughs rivalise d’imagination lorsqu’il s’agit de décrire la science et les techniques de Barsoom. Par ses explorations, John Carter nous confirme bien en ce sens la présence de canaux d’irrigation, témoins d’une raréfaction de l’eau, assortie d’une raréfaction de l’oxygène. Témoin de l’ingénierie barsoomienne, l’invention de générateurs d’atmosphère au radium saura palier cette dernière insuffisance. On se surprend à se laisser tout autant séduire par les véhicules volants des villes barsoomiennes et leur mode de propulsion : « Les aéroautomobiles de Marentina contiennent dans leurs roues le fluide nécessaire à leur suspension juste au-dessus du sol. Les roues arrière, reliées à un petit moteur à l’extrémité de l’engin, participent à la traction de l’ensemble. Je ne connais pas de sensation plus délicieuse que celle de la conduite de ces luxueuses automobiles volantes qui effleurent le sol, légères, aériennes comme une plume, le long des avenues douces et moussues de Marentina. Elles se déplacent dans un silence total, sur une pelouse d’un rouge éclatant et sous les arches feuillues d’arbres resplendissant de fleurs somptueuses, qui caractérisent de nombreuses variétés de la végétation barsoomienne, si largement cultivée. » (Le Guerrier de Mars) Mais déjà Burroughs anticipe les conflits associés aux problématiques environnementales : « Ces trois groupes principaux de Martiens avaient alors dû former une puissante alliance, l’assèchement progressif des océans les amenant à ne conserver que des surfaces sans cesse plus réduites parmi les zones fertiles, qui elles-mêmes diminuaient sans arrêt. Il avait de plus fallu les défendre contre les hordes sauvages d’Hommes Verts qui se développaient, au contraire, à la faveur de ces conditions nouvelles. […] Ces Martiens des âges anciens étaient très cultivés et très littéraires ; mais les coups de boutoir accumulés, suivis de nombreux siècles d’adaptation forcée à de nouvelles conditions de vie, provoquèrent leur effondrement et leur disparition totale. Leur production, leurs progrès et leurs archives périrent intégralement, avec enregistrements, œuvres d’art et imprimés littéraires. » (La Princesse de Mars) Une Barsoom haute en couleur et surprenante à plus d’un titre, mais combien terrienne et terrestre sous bien d’autres aspects…

NARRATION

Les récits de Mars sont contemporains à ceux de Tarzan, l’homme-singe. C’est en 1912 et au sein du même magazine All Stories que prennent simultanément vie les récits planétaires avec La Princesse de Mars et les récits africains avec Tarzan seigneur de la jungle. D’emblée, pour les premiers comme pour les seconds, le succès commercial est au rendez-vous et fera date dans le landerneau naissant des pulps. Au point que nombre d’auteurs de l’âge d’or de la science-fiction étatsunienne revendiqueront leur inspiration auprès des aventures de John Carter. Ainsi les Fritz Leiber, Leigh Brackett et autres Michael Moorcock jouent-ils dans certains de leurs récits une musique très burroughsienne. Burroughs fait partie de ces nouveaux auteurs qui surent s’adapter aux nouveaux paradigmes de l’industrialisation naissante de la culture populaire, avec John W. Campbell ou encore Edmond Hamilton. Il s’assure de la sorte « une carrière littéraire d’envergure qui apportera, à défaut de reconnaissance, la fortune », souligne dans la préface du premier tome des éditions Omnibus Frédéric Jaccaud. Le Cycle de Mars se compose de dix romans et d’un recueil de deux longues nouvelles. Preuve d’une telle renommée, celui-ci manqua de peu d’être classé meilleur cycle de tous les temps par le prix Hugo 1966, devancé de peu par un Fondation d’Asimov, plus adulte assurément. N’attendons pas de ces 1800 pages d’aventures une maitrise narrative digne des meilleurs romanciers : il s’agit avant tout d’offrir au lecteur sa dose d’adrénaline tout au long des quelque 200 pages que compose peu ou prou chaque volume. « … si des gens sont payés pour écrire des inepties comme celle que je peux lire dans certains de ces magazines [en parlant des pulps], je peux écrire des histoires aussi pourries. Dans les faits, je n’avais jamais écrit d’histoires, mais je savais que je pouvais en écrire d’aussi palpitantes et probablement bien plus que toutes celles qui m’étaient données de lire dans ces magazines », déclare, à ce propos, l’intéressé dans le Washington Post daté du 27 octobre 1929, faisant référence ici à ses écrits mettant en scène le légendaire Tarzan. Remarque qui vaut également pour les histoires de notre cycle. Il est vrai que les histoires de l’un comme de l’autre s’avèrent souvent mal écrites — une narration au seul service de l’action —, voire maladroites dans leurs intrigues — le nombre de coïncidences force souvent le respect… Le héros se dessine comme hautement caricatural, bagarreur viril devant l’Éternel, l’esprit résolument obtus, ne pensant le monde que de façon manichéenne et faisant preuve sur certains sujets d’une rigidité à nulle autre pareille. Les sentiments déployés sont d’une naïveté confondante et accusent leur temps — le mâle dominant ne peut éprouver que compassion et désir de protection pour la jeune femme éprouvée, laquelle, forcément reconnaissante, ne peut que se montrer consente pour le bénéfice de l’intrigue. Certains titres toutefois se détachent sur ce dernier point, mettant en jeu une héroïne dont les compétences et la sagacité rivalisent sans peine aucune avec celles du héros solaire John Carter. Certes, la dimension répétitive des récits burroughsiens agacera plus d’un lecteur, mais la bienveillance de ce dernier sera de mise au regard de la sincère énergie que met ce dernier dans ses récits. L’écriture du cycle répond en cela à un public avide d’action et d’aventures rocambolesques. Toutefois, Burroughs répond à ce cahier des charges avec un talent indéniable, en ce que les tableaux de celui-ci distillent d’un récit à un autre une matière élaborée, laquelle participe grandement à la crédibilité de la construction de Barsoom, et conséquemment, à celle du cycle. Les couches d’un récit se succèdent à un autre et cette sédimentation donne toute son ampleur à une mythologie naissante, avec ses lieux merveilleux, ses combats et faits d’armes incessants, ses créatures inquiétantes, ses jeux de pouvoir sans merci, ses romances improbables et ses figures bientôt légendaires. En ce début de XXe siècle, les terrae incognitae ne le sont plus, et il convient alors de concourir pour d’autres espaces, infiniment plus distants : Mars, Vénus ou encore la Lune sous la plume de Burroughs. Ces derniers espaces constituent autant de terres vierges à explorer et à dominer, et Mars la Rouge n’échappe point à ce désir de conquête que l’auteur fait porter à ses héros. Barsoom apparait dès lors comme la transposition de l’Ouest étatsunien avec ses immenses étendues, ses couleurs ocres, sa sécheresse, ses hors-la-loi, ses chasseurs de prime jusqu’à ses nombreuses tribus indiennes aux mœurs singulières. Burroughs, lequel s’engagea, à dix-huit ans, dans le fameux 71 de cavalerie troque avec maestria sa monture équestre pour enfourcher celle d’un astronef barsoomien, prolongeant par cette occasion la vivacité d’un âge d’or mythifié du Western. 

• A Princess of Mars : A Princess of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1917 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1917
© Illustration de l’édition originale Frank Earle Schonoover.
• A Princess of Mars : A Princess of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1917 — © Éditions A. C .McClurg & Co., 1917
© Illustration intérieure Frank Earle Schonoover.
• A Princess of Mars : A Princess of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1917 — © Éditions Doubleday SF Book Club, 1970
© Illustration Frank Frazetta.
• A Princess of Mars : A Princess of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1917 — © Éditions New English Library, 1975
© Illustration Bruce Pennington, 1975.
• The Gods of Mars : The Gods of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1918 — © Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1946
© Illustration non retenue Charles Clarence Beck, 1946.
• Thuvia, Maid of Mars : Thuvia, Maid of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1920 — © Éditions Ballantine, 1926
© Illustration Robert Kennedy Abbett, 1926.
• The Master Mind of Mars : The Master Mind of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1928 — © Éditions Doubleday SF Book Club, 1973
© Illustration intérieure Frank Frazetta, 1973.
• Swords of Mars : A Fighting Man of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1936 — © Éditions Doubleday SF Book Club, 1977
© Illustration Frank Frazetta, 1977.
• Synthetic Men of Mars : Synthetic Men of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1940 — © Éditions pour Argosy Weekly, Numéro du 7 janvier 1939
© Illustration Rudolph Belarski, 1939.
• Llana de Gathol : Llana de Gathol — © Edgar Rice Burroughs, 1948 — © Éditions Edgar Rice Burroughs, Inc. Tarzana, 1948
© Illustration de l’édition originale John Coleman Burroughs, 1948.
• John Carter of Mars : John Carter of Mars — © Edgar Rice Burroughs, 1964 — © Éditions Ballantine, 1965
© Illustration Robert Kennedy Abbett, 1965.

Lecture

Edgar Rice Burroughs s’inscrit dans la tradition des écrivains étatsuniens à bien des égards, comme le rappelle le Dictionnaire universel des littératures : « Un mélange étrange de pragmatisme et d’idéalisme, de confiance en l’homme et d’inquiétude métaphysique, d’individualisme farouche et de douloureuse solitude, un rapport nouveau avec l’espace et le cosmos. » Sur le plan sémantique, on serait tenté de voir dans les figures héroïques burroughsiennes un pendant aux nombreux héros fictifs de son contemporain Robert E. Howard. Comme pour ces derniers, les protagonistes qui arpentent de long en large Barsoom se montrent souvent fidèles à une certaine forme de sauvagerie, de force vitale, de virilité paroxystique. Ainsi en est-il de l’extraordinaire amitié que noue John Carter à l’encontre du noble Tars Tarkas et de son peuple les Martiens Verts aux coutumes fort guerrières et grégaires. Un peuple fort éloigné des contraintes et des entraves de la civilisation, représentée par le peuple des Martiens Rouges. À l’instar de Conan et de son amitié envers son compagnon d’armes picte et sa sympathie manifeste à l’égard de son peuple, en parfaite opposition au mépris affiché à l’encontre des Romains, expression de la civilisation, laquelle est par essence vouée à la futilité, à la décadence et à la destruction pour l’écrivain Roberd E. Howard. Les héros burroughsiens comme les héros howardiens ont toujours cherché à prendre la défense de la veuve et de l’orphelin, et notre Terrien John Carter ne saurait en ce sens déroger à cette règle. Mais ce dernier avoue volontiers, sans gêne aucune, aimer le combat pour le plaisir viril qu’il peut offrir : « Mes sympathies m’ont toujours porté vers le faible, et sans rien savoir de la cause profonde de leur querelle, je ne pouvais rester ainsi sans rien faire et voir un homme courageux submergé par un nombre supérieur d’adversaires. En fait, je crois que je ne cherchai pas de prétexte ; j’aime trop un bon combat en lui-même pour aller chercher une raison quelconque qui me pousse à me joindre à quiconque se trouverait en difficulté. » (Le Guerrier de Mars) La figure burroughsienne s’avère ainsi des plus solaires et pour le moins homérique. Ou plus précisément, comme le fait pertinemment remarquer Claude Ecken, « Burroughs n’écrit pas pour, mais comme un enfant, capacité rare qui fit son succès. » Si aucun écrivain ne s’aventurait aujourd’hui à prolonger les dysfonctionnements narratifs propres aux pulps de l’époque, précisons toutefois que ces quelques errances n’entachent en rien le sincère enthousiasme que procure la série. Le Cycle de Mars s’adresse incontestablement à notre moi Enfant Libre selon les classiques analyses de cette bonne vieille PNL. Nous sommes face à un récit dont la maladresse ne fait en réalité que traduire les promesses d’un genre qui se montrera bientôt l’un des plus prolixes et des plus emblématiques de nos littératures. Le genre se confrontera toutefois à des enjeux plus adultes, profitant ainsi d’une réelle épaisseur narrative et conceptuelle. Sur le terrain scientifique, s’il est possible de rattacher la littérature burroughsienne aux œuvres de Jules Verne ou de celles de H. G. Wells, il convient toutefois de garder à l’esprit que ce dernier ne s’embarrasse jamais d’un quelconque exposé de nature didactique, invitant plutôt le lecteur à faire preuve d’une bonne dose de suspension consentie d’incrédulité. Cycle devenu incontournable de nos contrées bien terrestres, le Cycle de Mars bénéficie dans sa dernière édition d’une traduction révisée pour les quatre premiers opus et d’une nouvelle traduction pour les autres titres. Aux futurs explorateurs et conquérants de la planète rouge, sachez qu’il sera toujours possible de retrouver un peu de Barsoom sur Mars, depuis qu’en 1973 le nom de Burroughs fut donné à un cratère martien de 104 km de diamètre. Un bel hommage à cet aventurier des étoiles où le rêve de l’enfance héroïque prend corps. Celle où le héros devient légende. Barsoom : fabuleuse planète, pleine de dangers et de merveilles, magnifiant plus que jamais l’expression du sense of wonder, toujours aussi intact plus d’un siècle après les premiers pas de Carter sur Barsoom. C’est un petit pas pour la littérature, un grand pas pour la littérature science-fictionnelle.

Vidéos

The story behind John Carter. GasTroll.

John Carter : Les origines. Interview de Jean-Jacques Launier. Disney FR.

Sites internet