Créé en 1994 dans la minisérie Seeds of Destruction et publié en France en 2002 sous le titre Les Germes de la destruction aux éditions Delcourt, le truculent Hellboy est rapidement devenu une figure incontournable du paysage de la bande dessinée. Il est vrai que sous l’aile protectrice de son géniteur, le génial Mike Mignola, le sombre rejeton des enfers ne pouvait que connaître une longévité remarquable. Cycle comportant 16 tomes parus dans la collection « Contrebande » des éditions Delcourt, Hellboy se voit décliné dans plusieurs formats, dont une prestigieuse intégrale aux atours fort désirables. La bonne humeur légendaire de celui qui se fait également appeler le Bras droit de la Destruction, la Bête de l’Apocalypse rouge, le Singe rouge, HB ou encore Feu Follet, n’a pas tardé à se répandre par-delà les planches de la série mère, comme en témoignent la demi-douzaine de séries dérivées.
Infos pratiques
Hellboy
Mike Mignola, John Byrne, Joshua Dysart, Todd Mignola, James Robinson
Mike Mignola, Duncan Fegredo, Richard Corben, Gabriel Bá, Scott Benefiel, Philip Craig Russell, Gary Gianni, Scott Hampton, Mike McMahon, Fábio Moon, Kevin Nowlan
Dave Stewart, Mark Chiarello, Matt Hollingsworth, Lovern Kindzierski, Kevin Nowlan, Pamela Rambo, James Sinclair
États-Unis
Delcourt
Contrebande
Inédit
Février 2002/Janvier 2018
16 tomes
Variable
17,5 x 27 — Couleurs
Entre 11,50 et 17,95 euros
© Éditions Delcourt, 2002-2018
© Mike Mignola et Auteurs, 1994
Hellboy
Mike Mignola
Éditions Delcourt
Chronique réalisée par Franck Brénugat
HISTOIRE
Fruit d’un démon et d’une humaine, Anung Un Rama passe sa prime jeunesse aux Enfers, jusqu’au jour où il est invoqué par Raspoutine, moine engagé par Heinrich Himmler au bénéfice du IIIe Reich. La victoire de l’Axe semblant de plus en plus compromise, les pouvoirs du rejeton des Enfers pourraient s’avérer fort utiles pour les intérêts d’un Reich déclinant. C’est toutefois sans compter l’intervention des troupes étatsuniennes, lesquelles s’interposent lors de l’invocation et, profitant du chaos ambiant, subtilisent aux mains des nazis cette singulière apparition. L’armée de l’Oncle Sam ne tarde pas à adopter cette dernière sous le nom de Hellboy, avant que celui-ci ne se retrouve sous l’aile bienveillante de Trevor Bruttenholm, directeur du BPRD (Bureau for Paranormal Research and Defense). Le rejeton adoptif grandit au sein d’une base de l’US Air Force au Nouveau-Mexique, et ne tarde pas à intégrer le Bureau, structure spécialisée dans la lutte contre les menaces paranormales. Déployé sur le terrain dès 1952, il fait montre d’une combativité à nulle autre pareille. Ce qui lui vaut de parcourir moult régions du monde (Irlande, Russie, Japon, France, Italie, Afrique, profondeurs océaniques et autres terroirs fertiles en contes et légendes), accompagné parfois de certains de ses acolytes, eux aussi nantis de pouvoirs paranormaux. Parmi ces compagnons de route — et parfois d’infortune —, signalons la pyrokinésiste Liz Sherman, l’amphibien Abraham Abe Sapien, Roger l’homoncule, Lobster Johnson, ou encore Johann Kraus, arrivé sur le tard.
Une forte dissension avec le Bureau oblige toutefois Hellboy à pousser la porte de celui-ci, sans renoncer pour autant à jouer les redresseurs de torts dans un monde qui ne demande qu’à se fracturer davantage sous les coups de butoir des multiples méchants de service. Au cours de ces nombreuses campagnes, Hellboy se voit de temps à autre inviter à changer de fusil d’épaule par ses adversaires. Ces derniers le convient à abandonner son rôle si peu naturel du preux chevalier pour endosser celui plus consubstantiel du combattant infernal. Nombreuses sont ainsi les sorcières qui l’invitent à devenir leur Roi, Anung Un Rama étant le fils d’un démon, Seigneur des Sorcières de Lancashire et d’Abbotsbury. Refusant tout compromis avec ces forces ténébreuses, Hellboy n’a de cesse de livrer bataille contre toute tentative des Enfers de venir faire œuvre de destruction dans le monde qui est nôtre. Et le Singe rouge de parcourir les moindres recoins obscurs, où se tapissent bien des créatures perverses et bien peu recommandables, faisant jouer de sa force herculéenne son bras de pierre, fracassant à tout va moult crânes.
Slide 01 – Hellboy – Les Germes de la destruction – Tome 1 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2002 — Scénario © John Byrne, Mike Mignola, 1983 — Dessin © Mike Mignola, 1983 — Couleurs © Mark Chiarello, Matt Hollingsworth, 1994 — Couverture © Mark Hollingsworth, Mike Mignola, 1994 — Traduction © Anne Capuron, Martin Winckler, 2002— Préface © Robert Bloch, 1994
Slide 02 – Hellboy – Au nom du diable – Tome 2 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2003 — Scénario © Mike Mignola, 1996 — Dessin © Mike Mignola, 1996 — Couleurs © James Sinclair, 1996 — Couverture © Mike Mignola, Dave Steward, 1996 — Traduction © Anne Capuron, Martin Winckler, 2003 — Préface © Mike Mignola, Alan Moore, 1996
Slide 03 – Hellboy – Le Cercueil enchaîné – Tome 3 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2000 — Scénario © Mike Mignola, 1995 — Dessin © Mike Mignola, 1995 — Couleurs © James Sinclair, Dave Stewart, 1995 — Couverture © Mike Mignola, 1995 — Traduction © Jean-Paul Jennequin, 2000
Slide 04 – Hellboy – La Main droite de la mort – « La nature de la Bête » – Tome 4 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2001 — Scénario © Mike Mignola, 1986 — Dessin © Mike Mignola, 1986 — Couleurs © Dave Stewart, 1986 — Couverture © Mike Mignola, Dave Steward, 1986 — Traduction © Jean-Paul Jennequin, 2001
Slide 05 – Hellboy – Le Diable dans la boîte – Tome 5 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 1999 — Scénario © Mike Mignola, 1999 — Dessin © Mike Mignola, 1999 — Couleurs © Dave Stewart, 1999 — Couverture © Mike Mignola, 1999 — Traduction © Jean-Paul Jennequin, 1999
Slide 06 – Hellboy – Le Ver conquérant – Tome 6 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2002 — Scénario © Mike Mignola, 2001 — Dessin © Mike Mignola, 2001 — Couleurs © Dave Stewart, 2001 — Couverture © Mike Mignola, 2001 — Traduction © Anne Capuron, 2002
Slide 07 – Hellboy – Le Troisième Souhait – Tome 7 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2006 — Scénario © Mike Mignola, 2002 — Dessin © Mike Mignola, 2002 — Couleurs © Dave Stewart, 2002 — Couverture © Mike Mignola, 2002 — Traduction © Anne Capuron, 2006
Slide 08 – Hellboy – Trolls et Sorcières – Tome 8 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2008 — Scénario © Mike Mignola, 2008 — Dessin © Richard Corben, Mike Mignola, Philip Craig Russell, 2008 — Couleurs © Lovern Kindzierski, Dave Stewart, 2008 — Couverture © Mike Mignola, 2008 — Traduction © Anne Capuron, 2008
Slide 09 – Hellboy – L’Appel des ténèbres – Tome 9 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2008 — Scénario © Mike Mignola, 2008 — Dessin © Duncan Fegredo, 2008 — Couleurs © Dave Stewart, 2008 — Couverture © Mike Mignola, 2008 — Traduction © Anne Capuron, 2008
Slide 10 – Hellboy – La Grande Battue – Tome 10 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2010 — Scénario © Mike Mignola, 2010 — Dessin © Duncan Fegredo, 2010 — Couleurs © Dave Stewart, 2010 — Couverture © Mike Mignola, 2010 — Traduction © Anne Capuron, 2010
Slide 11 – Hellboy – L’Homme tordu – Tome 11 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2011 — Scénario © Joshua Dysart, Mike Mignola, 2011 — Dessin © Richard Corben, Duncan Fegredo, Mike Mignola, 2011 — Couleurs © Dave Stewart, 2011 — Couverture © Mike Mignola, 2011 — Traduction © Anne Capuron, 2011
Hellboy 12 – Hellboy – La Fiancée de l’enfer – Tome 12 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2012 — Scénario © Mike Mignola, 2011 — Dessin © Richard Corben, Scott Hampton, Mike Mignola, Kevin Nowlan, 2012 — Couleurs © Kevin Nowlan, Dave Stewart, 2012 — Couverture © Mike Mignola, 2012 — Traduction © Anne Capuron, 2012
Slide 13 – Hellboy – L’Ultime Tempête – Tome 13 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2013 — Scénario © Mike Mignola, 2013 — Dessin © Duncan Fegredo, 2013 — Couleurs © Dave Stewart, 2013 — Couverture © Mike Mignola, 2013 — Traduction © Anne Capuron, 2013
Slide 14 – Hellboy – Masques & Monstres – Tome 14 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2015 — Scénario © Mike Mignola, James Robinson, 1999 — Dessin © Scott Benefiel, Mike Mignola, 1999 — Couleurs © Matt Hollingsworth, Pamela Rambo, 1999 — Couverture © Mike Mignola, 2015 — Traduction © Anne Capuron, 2015
Slide 15 – Hellboy – Hellboy au Mexique – Tome 15 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2016 — Scénario © Mike Mignola, 2016 — Dessin © Gabriel Bá, Richard Corben, Mike McMahon, Mike Mignola, Fábio Moon, 2016 — Couleurs © Dave Stewart, 2016 — Couverture © Mike Mignola, Dave Stewart, 2016 — Traduction © Anne Capuron, 2016
Slide 16 – Hellboy – Le Cirque de minuit – Tome 17 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2017 — Scénario © Mike Mignola, 2013 — Dessin © Duncan Fegredo, Gary Gianni, 2013 — Couleurs © Dave Stewart, 2013 — Couverture © Mike Mignola, Dave Stewart, 2013 — Traduction © Anne Capuron, 2017
Slide 17 – Hellboy en enfer – Secrets de famille – Tome 1 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2014 — Scénario © Mike Mignola, 2012 — Dessin © Mike Mignola, 2012 — Couleurs © Dave Stewart, 2012 — Couverture © Mike Mignola, 2012 — Traduction © Anne Capuron, 2014
Slide 18 – Hellboy en enfer – La Carte de la Mort – Tome 2 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande, 2016 — Scénario © Mike Mignola, Todd Mignola, 2014 — Dessin © Mike Mignola, 2014 — Couleurs © Dave Stewart, 2014 — Couverture © Mike Mignola, Dave Stewart, 2014 — Traduction © Anne Capuron, 2016
Slide 19 – Hellboy – Les Germes de la destruction – Tome 1 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2002 — Scénario © John Byrne/Mike Mignola 1983 — Dessin © Mike Mignola 1983 — Couleurs © Mark Chiarello/Matt Hollingsworth 1994 — Couverture © Mark Hollingsworth/Mike Mignola 1994 — Traduction © Anne Capuron/Martin Winckler 2002 —Préface © Robert Bloch 1994
Slide 20 – Hellboy – Les Germes de la destruction – Tome 1 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2002 — Scénario © John Byrne/Mike Mignola 1983 — Dessin © Mike Mignola 1983 — Couleurs © Mark Chiarello/Matt Hollingsworth 1994 — Couverture © Mark Hollingsworth/Mike Mignola 1994 — Traduction © Anne Capuron/Martin Winckler 2002 —Préface © Robert Bloch 1994
Slide 21 – Hellboy – La Main droite de la mort – La nature de la Bête – Tome 4 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2001 — Scénario © Mike Mignola 1986 — Dessin © Mike Mignola 1986 — Couleurs © Dave Stewart 1986 —Couverture © Mike Mignola/Dave Steward 1986 — Traduction © Jean-Paul Jennequin 2001
Slide 22 – Hellboy – Le Ver conquérant – Tome 6 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2002 — Scénario © Mike Mignola 2001 — Dessin © Mike Mignola 2001 — Couleurs © Dave Stewart 2001 — Couverture © Mike Mignola 2001 — Traduction © Anne Capuron 2002
Slide 23 – Hellboy – Le Ver conquérant – Tome 6 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2002 — Scénario © Mike Mignola 2001 — Dessin © Mike Mignola 2001 — Couleurs © Dave Stewart 2001 — Couverture © Mike Mignola 2001 — Traduction © Anne Capuron 2002
Slide 24 – Hellboy – La Grande Battue – Tome 10 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2010 — Scénario © Mike Mignola 2010 — Dessin © Duncan Fegredo 2010 — Couleurs © Dave Stewart 2010 — Couverture © Mike Mignola 2010 — Traduction © Anne Capuron 2010
Slide 25 – Hellboy – La Grande Battue – Tome 10 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2010 — Scénario © Mike Mignola 2010 — Dessin © Duncan Fegredo 2010 — Couleurs © Dave Stewart 2010 — Couverture © Mike Mignola 2010 — Traduction © Anne Capuron 2010
Slide 26 – Hellboy – L’Ultime Tempête – Tome 13 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2013 — Scénario © Mike Mignola 2013 — Dessin © Duncan Fegredo 2013 — Couleurs © Dave Stewart 2013 — Couverture © Mike Mignola 2013 — Traduction © Anne Capuron 2013
Slide 27 – Hellboy – L’Ultime Tempête – Tome 13 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2013 — Scénario © Mike Mignola 2013 — Dessin © Duncan Fegredo 2013 — Couleurs © Dave Stewart 2013 — Couverture © Mike Mignola 2013 — Traduction © Anne Capuron 2013
Slide 28 – Hellboy en enfer – Secrets de famille – Tome 1 — © Éditions Delcourt – Collection Contrebande 2014 — Scénario © Mike Mignola 2012 — Dessin © Mike Mignola 2012 — Couleurs © Dave Stewart 2012 — Couverture © Mike Mignola 2012 — Traduction © Anne Capuron 2014
Lecture
Affublé de cornes qu’il prend bien soin de limer régulièrement, de sabots et d’un appendice caudal, doté d’une peau d’un rouge incandescent et affublé d’une main de pierre hypertrophiée, difficile pour notre héros de passer inaperçu au coin de la rue ! Que ce dernier apparaisse sous les traits et les pinceaux de son créateur Mike Mignola ou sous les traits de l’acteur Ron Perlman — lui-même déjà affublé d’une gueule fort singulière —, Hellboy n’a pas manqué de marquer au fer rouge notre imaginaire, notable performance au regard de la horde de superhéros qui parsème nos planches de bandes dessinées et nos écrans de télévision. Déjà un quart de siècle d’existence et pas une ride pour le très ronchon et sacré cogneur fils des Enfers, pourfendeur sans relâche des sombres créatures chtoniennes désireuses de frayer avec le monde des humains. Il est vrai que le coup de crayon de Mignola n’est pas anodin dans cette franche réussite artistique et commerciale. En témoignent la bonne douzaine d’Eisner Awards collectés tout comme le nombre non négligeable de séries dérivées — B.P.R.D. : L’Enfer sur Terre, Abe Sapien, Witchfinder, Lobster Johnson, Hellboy – Histoires bizarres ou encore Hellboy Junior. Sans omettre une poignée de jeux vidéo, deux OAV et trois longs métrages. L’intégrale des chroniques mignoliennes comporte une bonne vingtaine d’histoires, oscillant entre longs récits (Les Germes de la destruction, Le Ver conquérant, L’Apple des ténèbres, La Grande Battue) et ensembles de courts récits (Le Cercueil enchaîné, La Main droite de la mort, Hellboy au Mexique). Mignola n’est pas seul à œuvrer au corpus, d’autres dessinateurs venant se greffer à l’entreprise. Pour les principales collaborations, citons l’extraordinaire Duncan Fegredo et le non moins talentueux Richard Corben, mais aussi Mike McMahon, Fábio Moon, Gabriel Bá ou encore James Robinson pour les secondes. Une œuvre protéiforme, sur laquelle le maître et gardien du temple Mignola règne avec une omniprésence toujours empreinte de bienveillance.
Ayant commencé sa carrière chez Marvel Comics en officiant sur certaines séries comme Hulk, Marvel Fanfare ou encore Rocket Racoon, Mignola ne tarde pas à faire valoir son style graphique, où prédomine une ligne claire savamment mise en relief par un jeu de clairs-obscurs et de contrastes saisissants. Son trait anguleux et précis joue habilement avec les ombres et les perspectives, lequel se montre par ailleurs et a priori des plus simples, contrastant en cela avec des compositions plus complexes. Là réside justement l’un des talents de l’auteur : proposer un dessin minimaliste — mais nullement simpliste —, magnifié par une composition des plus savantes et des plus rigoureuses. Contraste saisissant s’il en est, s’appliquant à ériger certaines cases comme de véritables morceaux de bravoure picturale, plus proche en cela de la peinture ou de l’illustration que du dessin. Un travail d’épuration sans cesse reconduit et accentué au fil des ans, au point de livrer des planches au dénuement certain, dont l’objectif revendiqué est de servir une narration dont la lisibilité serait rehaussée. À l’instar d’un Bilal d’ailleurs, chez qui la lisibilité narrative oblige toutefois à davantage d’efforts. À cette épure du dessin se combine un choix de couleurs froides, que vient contraster le rouge pétulant et endiablé de notre fils des Enfers. Point de fondus ni de dégradés ici ; seuls règnent en maître de grands à-plats aux contours bien délimités, où les noirs prédominent. Superbe mise en couleurs orchestrée par le talentueux Dave Stewart. Les scènes se déroulent subtilement entre les différentes expositions, dont le travail sur la lumière n’est pas sans rappeler une certaine esthétique photographique. Compositions par ailleurs magnifiées pour les heureux propriétaires de la version Deluxe, dont la qualité d’impression sert au mieux les intérêts de l’œuvre mignolienne.
Le ramage se rapporte-t-il pour autant au plumage ? Non seulement le père Mignola sait se montrer des plus adroits en compagnie de ses crayons, mais le bougre sait aussi se montrer bon conteur. Fort bon conteur même. Les histoires fantastiques et horrifiques déployées dans ses récits jouissent d’une épaisseur manifeste, dont les quelques résonnances tragiques le disputent à certains grands textes de l’Antiquité gréco-romaine. On y sent le souffle de la dramaturgie, la noirceur des sombres rejetons jaillis des Enfers tout comme la volonté inexpugnable de son pourfendeur, figure héroïque entre toutes. Ces âmes noires rivalisent de perversité, d’ingéniosité et de séduction afin de détourner les foudres du renégat Hellboy, mais se montrent toutes inefficaces au regard des uppercuts dantesques délivrés par ce démon cornu aussi rageur que cogneur. La richesse de l’univers mignolien se singularise par la fécondité de ce bestiaire, puisant son inspiration dans les profondeurs des mythes latins, mexicains ou encore africains. Vampires, sorcières, monstres mythologiques, créatures d’outre-tombe et vilains nazis sont autant d’adversaires qui ne manqueront pas de faire connaissance avec la puissante main vengeresse du Bras droit de la Destruction. Le caractère cyclopéen de certains de ces adversaires n’est pas sans rappeler celui du panthéon lovecraftien, tout comme l’atmosphère envoûtante de ses récits celle de Poe. Voilà de bien nobles figures paternelles — sinon tutélaires — dont il se revendique volontiers. Loin de réduire les histoires mignoliennes à de simples exercices de joute, il se dégage de ces dernières une poésie, tout emprunte de mélancolie, laquelle poésie le dispute parfois à celle du magistral Sergio Toppi. Comme chez ce dernier, point de longs discours envahissant les phylactères, mais une économie narrative proportionnellement inverse à sa charge émotionnelle. D’où une force évocatrice qui vous claque à la figure comme un revers bien senti du bestiau. Témoigne en ce sens l’écrivain lovecraftien Robert Bloch : « Hellboy est le brillant exemple de ce qu’il faut faire pour hisser les bandes dessinées du futur à un niveau littéraire d’une plus grande qualité, tout en augmentant de façon croissante leur, déjà, prodigieux attrait. Son scénario combine concepts archaïques et cadres de références modernes, le tout balayé transversalement par un traitement virtuose, par la grâce d’effets artistiques proprement époustouflants. »
D’un récit à un autre, Mignola traîne un héros au caractère bien trempé, volontiers bougon et revanchard, teigneux et colérique, mais toujours affublé d’une figure pour le moins attachante. Armé d’un gros calibre et muni d’un cache-poussière digne des vilains issus d’un film de Sergio Leone, ce pince-sans-rire nous surprend néanmoins par ses savoureuses punchlines, sarcastiques pour ne pas dire cyniques. Un héros peu disert, mais dont les réparties sonnent comme autant de coups de poing — à l’instar de celles affichées par un certain Blondin du même Leone. Mélange incongru de castagnes primaires et de réflexions métaphysiques, les aventures du Singe rouge offrent un plaisir de lecture fort jouissif et non dénué d’intelligence. Assurément, Mignola se pose comme un démiurge des temps modernes, où dessin et histoire s’entremêlent dans un subtil équilibre, revisitant et prolongeant les grands mythes de notre humanité.
Vidéos
CC— Les origines d’Hellboy ! Sn Parod — Comics et BD !
Hellboy – Origines et Pouvoirs. Captain Maks.