Jérôme Noirez
Les éditions Delcourt nous gratifient d’une luxueuse édition proposant une intégrale inédite en version française de l’ensemble des strips quotidiens de Star Wars par Russ Manning, lauréat du Prix Inkpot en 1974 et bienheureux inscrit au Temple de la renommée Will Eisner en 2006. Publiés au sein du quotidien du Los Angeles Times et de quelque deux cent quinze autres compères entre mars 1979 et octobre 1980, ces strips sont présentés ici dans un format à l’italienne respectueux de la parution originale, tout comme les couleurs qui se veulent fidèles aux canons de l’époque. Une telle exigence éditoriale ne pourra que satisfaire l’amateur éclairé, lequel ne manquera pas de voir dans ce travail un sincère hommage à ce brillant auteur. Ce volet Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 est le premier d’une trilogie dont les prochains strips seront signés par les non moins légendaires Archie Goodwin et Al Williamson. Il y a bien longtemps…

Infos pratiques

Star Wars – Les Strips quotidiens T 1

Russ Manning, Steve Gerber, Russ Helm, Don Christensen

Russ Manning, Mike Royer, Alfredo Alcala, Rick Hoberg, Dave Stevens

Russ Manning

États-Unis

Alex « Nikolavitch » Racunica

Moscow Eye

Dean Mullaney

Trait pour Trait

Delcourt

Contrebande / Presse-Comics

Inédit

Juin 2018

Tome 01

272 pages

26×22 – Noir et Banc et Couleurs

978-2-4130-0735-7

39,95 euros

© Éditions Delcourt,2018 – © Lucasfilm Ltd., 2018 – Introductions © Rich Handley et Henry G. Franke III

Star Wars – Les Strips quotidiens T 1

Russ Manning

Éditions Delcourt

Chronique réalisée par Frank Brénugat

Rébellion

Galaxie lointaine, très lointaine /Il y a bien longtemps

Space Opera

NOTRE ÉVALUATION

Dessin
Personnages
Histoire
Vidéos
liens Internet

HISTOIRE

« C’est une époque de guerre civile. À bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d’une base cachée, les Rebelles ont emporté leur première victoire sur le maléfique Empire Galactique. » Qui ne connaît point cette introduction cinématographique devenue légendaire — pour ne pas dire mythique — diffusée pour la première fois dans les salles obscures de la planète Terre en l’an de grâce 1977 ? On ne présentera pas l’Empire Star Wars dirigé d’une main de maître par son mentor George Lucas, Empire récemment tombé dans l’escarcelle du Grand Empire Disney. Sachez toutefois que les Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 reprennent et poursuivent les aventures des principaux protagonistes faisant suite au tout premier épisode de la franchise. Ce premier volet comporte dix histoires de l’univers Star Wars en une œuvre inédite en langue française et s’ouvre sur Le Monde des jeux, histoire mettant en scène le droïd C-3PO chargé de fournir un rapport détaillé à l’unité des archives de l’Alliance Rebelle sur les aventures du jeune Skywalker, en affaires avec l’ennemi sur la planète du jeu…

Sur les cinq années d’existence de ce comic strip, lesquelles s’étendent des années 1979 à 1984, on comptera trente-sept histoires, dont de nouvelles aventures par-delà la sortie du premier opus de la saga Star Wars. Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 proposent ainsi par l’entremise de son auteur quelques personnages mémorables, comme en témoignent Blackhole, Maîtresse Mnémos ou encore Anduvil d’Ogem pour ne citer que ceux-là. « J’aime la façon dont les personnages fonctionnent en tant que personnages. Ils sont entiers, fonctionnent ensemble et utilisent des éléments de dialogue du film, en restant dans le monde posé au départ » confie l’intéressé dans un entretien accordé à Shel Dorf moins de quatre mois avant son décès en décembre 1981. « Je n’essayais même pas de raconter des histoires », poursuit-il, « mais de montrer des événements conduisant à d’autres événements. » Au fil des deux années de production, Russ fut crédité de soixante-quatorze pages dominicales et de quatre cents bandes quotidiennes. Ce sont ces deux années de récits que nous retrouvons pour la première fois au grand complet et dans le respect de leur parution originale, assorties d’une double et généreuse préface.

Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 – © Star Wars © &™ 2018 Lucasfilm Ltd. All rights reserved. Used Under Authorization. Translation copyright © 2018 Éditions Delcourt pour la version française.

Lecture

Russel Manning peut se targuer d’avoir été le premier dessinateur chargé par Georges Lucas de produire quelques histoires pour ses héros juste après le succès en salles de La Guerre des étoiles et avant la sortie des deuxième et troisième opus de la trilogie. Manning, auteur de la série Tarzan du créateur Edgar Rice Burroughs, se voit donc confier le développement de dix histoires originales — sur les trente-sept que signera Manning. Il produira pour Lucasfilm une dizaine d’histoires s’étirant sur les deux années 1979 et 1980, avant d’être emporté par la maladie en décembre 1981 à l’âge de 52 ans. Le Prix Russ-Manning du nouvel auteur le plus prometteur sera créé en son honneur l’année suivante de sa disparition, prix de bande dessinée étatsunien récompensant un jeune auteur et distribué lors du Comic-Con de San Diego.

Pour en revenir à nos histoires de sabres laser, il est peu de dire que le jeune Lucas ne s’est guère embarrassé d’un quelconque souci de cohérence concernant l’univers de ces comics strips. Il s’agit en effet et avant tout pour ce dernier de faire vivre la franchise sur le plus grand nombre possible de supports, indépendamment d’une quelconque continuité avec l’œuvre filmique. D’où des histoires décousues témoignant d’une nomenclature peu orthodoxe. D’où, également, une fraicheur et une inventivité débarrassées de certaines exigences managériales et sclérosantes. Cette liberté préservée se solde conséquemment par une création aux antipodes d’une production mainstream, production parfois roborative en ces nouveaux temps d’abondance… Il s’agit avant pour les auteurs de l’époque de satisfaire à la politique de Lucasfilm, à savoir proposer au lecteur une aventure combinant exotisme et divertissement dans le jeune univers naissant de Star Wars. Le contrat semble manifestement rempli au regard du nombre de créatures, de monstres et autres protagonistes qui peuplent cette nouvelle série de bande dessinée. Si certains personnages ont survécu aux aléas des différentes politiques managériales — comme le personnage de Boba Fett —, d’autres sont allés rejoindre le cimetière des héros oubliés. Ces derniers subiront l’anathème par l’entremise d’une décanonisation orchestrée en bonne et due forme par les gardiens du Temple, condamnés à demeurer hors du panthéon officiel de l’Univers Étendu de Star Wars.

La dimension visuelle de l’ouvrage alterne dessins en noir et blanc pour les publications relevant des jours de la semaine — daily strip — et dessins en couleurs pour une parution dominicale plus généreuse — sunday strip. Le noir et blanc combiné au trait talentueux de Manning apportent une incontestable lisibilité aux histoires, malgré quelques faiblesses de temps à autre, comme en attestent certaines représentations un tantinet hasardeuses des flottilles de guerre. L’essentiel de l’action et de l’histoire se déroule au sein des strips dominicaux — en couleurs donc —, les strips quotidiens en noir et blanc se contentant d’assurer le service a minimaen profitant de cette respiration journalière pour étoffer la dimension psychologique des nombreux protagonistes et pour apporter quelques détails dispensables de-ci de-là. Soyons toutefois honnêtes : ces derniers offrent malgré tout une matière supplémentaire pour une production dont l’arc narratif est mené plus que tambour battant… Dès lors, les redites s’enchainent inévitablement, contrariant la fluidité du récit. Les histoires se résument ainsi à une action le disputant au rocambolesque, agrémentées de quelques tentatives d’humour bienvenues. Toutefois, le lecteur ne saurait manquer de se replacer dans le contexte de parution de l’époque, dont les singularités justifient une politique éditoriale. Comme remarqué dans la très bonne préface signée Rich Handley « Peut-être légèrement simpliste au regard de nos standards actuels, la bande de Manning compense son manque de complexité en injectant un surplus d’action, d’humour et d’optimisme collant bien avec le style du film. » Point de densité psychologique ni de scénario complexe, mais une incontestable force narrative et visuelle, et ce, malgré les contraintes propres au format.

La recette est donc éprouvée : affrontements, dangers, politique et humour constituent le fonds de commerce des intrigues dont le lecteur pardonnera volontiers l’évidente naïveté scénaristique, laquelle n’est pas sans rappeler une autre rencontrée dans le comic strip Flash Gordon d’avant-guerre signé par Alex Raymond. Autres temps, autres mœurs… Reste de notre point de vue l’essentiel : un sense of wonder des plus manifestes, que certaines productions contemporaines gagneraient à recouvrer. Le lecteur ne manquera pas de se plonger avec délectation dans cet univers foisonnant et aux intrigues un tantinet surannées et télescopées.

Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 raviront les fans de la première heure assurément, mais également les nouveaux aficionados de la tentaculaire franchise Star Wars. La générosité dont la série fait preuve, combinée à un sense of wonder patent font de ce premier opus une œuvre fondatrice dans l’édification de la mythologie Star Wars. Les éditions Delcourt nous offrent un trésor littéraire indispensable pour tout amateur de bande dessinée ou de l’univers de Maître Lucas. Cette série donne à voir une création dont la générosité, la candeur, la tendresse et le dynamisme ne sauraient nous laisser indifférents.

Star Wars – Les Strips quotidiens T 1 – © Star Wars © &™ 2018 Lucasfilm Ltd. All rights reserved. Used Under Authorization. Translation copyright © 2018 Éditions Delcourt pour la version française.

Vidéos

Srips Star Wars : Du cult au kisch. ComicsPrimeTV.

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