Jérôme Noirez
Laurent Durieux, illustrateur et designer freelance belge, est devenu en quelques années un monument de la scène sérigraphique de la pop culture. Il est l’un de ces rares artistes dont les travaux sont immédiatement reconnaissables entre tous. Ses prints témoignent de son amour inconditionnel pour cette dernière. Il exerce dans le domaine de la création d’affiches alternatives de cinéma, imprimées en sérigraphie, pour un tirage limité. Ses compositions aux allures rétrofuturistes ont été rendues célèbres grâce à l’éditeur texan d’affiches de films Mondo. Il a par ailleurs été nommé comme étant l’un des 200 meilleurs illustrateurs du monde par le très influent magazine publicitaire international Lürzer’s Archive.

Laurent Durieux
ou le rétrofuturisme

Article réalisé par Franck Brénugat

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AUTEUR

Durieux a grandi dans la ville de Waterloo, où l’Empereur français Napoléon Bonaparte est allé se battre en 1815. Il est le cadet (avec son frère jumeau) d’une progéniture comptant cinq frères et sœurs. Dès l’âge de six ans, il passe déjà la plupart de son temps à dessiner. Vers 11 ou 12 ans, il découvre son premier mentor, le dessinateur Jean Giraud, alias Mœbius. Métal Hurlant et L’Incal ont ainsi fortement contribué à ce désir de production. « Arzach a eu une grande influence, à coup sûr, et Métal Hurlant était ma bible ». En 1988, à l’âge de 18 ans, Durieux commence ses études supérieures à l’atelier de Communication Visuelle à l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre (ENSAV) où il rencontre son deuxième mentor, Luc Van Malderen, dont le trait diffère en tout point avec celui de Giraud. Depuis 1994, il vit et travaille à Bruxelles comme graphiste et illustrateur freelance. En tant que directeur artistique indépendant, il travaille essentiellement pour l’édition jeunesse (Spirou et Dargaud) ainsi que pour la communication institutionnelle. Il découvre l’enseignement depuis 1998, dans une école privée de Bruxelles où il enseigne le dessin, le graphisme et la typographie. En 2004, ses travaux s’orientent vers un thème qui lui est cher : le rétrofuturisme. Son travail consiste à réaliser des versions revisitées des affiches de cinéma, essentiellement hitchcockiennes et fantastiques dans un premier temps. C’est grâce à l’éditeur texan d’affiches de films Mondo, installé à Austin, que les œuvres de Durieux se sont rapidement fait connaître. Le Géant de Fer et King Kong, publiés en 2012, rencontrent ainsi un vif succès. De nombreuses affiches se retrouvent dès lors rapidement épuisées. Séduit par l’affiche Les Dents de la mer (Jaws), le réalisateur Steven Spielberg en commande plusieurs, entraînant moult amateurs d’art et autres collectionneurs dans son sillon. Si Durieux ne manque pas d’être réceptif à l’intérêt porté par le réalisateur, il dénonce en revanche la spéculation de certains collectionneurs, plus affairistes qu’amateurs. Détestant travailler seul, il s’est entouré de son frère jumeau, Jack, lequel conçoit le lettrage de nombreuses affiches et s’occupe de la communication à l’égard du public non francophone.

Slide 1 : Jaws — © Laurent Durieux
Slide 2 : The Birds — © Laurent Durieux
Slide 3 : Rear Window — © Laurent Durieux
Slide 4 : Vertigo — © Laurent Durieux
Slide 5 : King Kong — © Laurent Durieux
Slide 6 : Godzilla — © Laurent Durieux
Slide 7 : The Mummy — © Laurent Durieux
Slide 8 : Devastator — © Laurent Durieux
Slide 9 : Devastator — © Laurent Durieux
Slide 10 : Buck Rogers and his Ray Gun — © Laurent Durieux
Slide 11 : HG Wells’ Things To Come — © Laurent Durieux
Slide 12 : Forbidden Planet — © Laurent Durieux
Slide 13 : Journey to the Center of the Earth — © Laurent Durieux
Slide 14 : The Master — © Laurent Durieux
Slide 15 : The Wonderful Wizard of Oz — © Laurent Durieux
Slide 16 : Shutter Island — © Laurent Durieux
Slide 17 : The Godfather Part I — © Laurent Durieux
Slide 18 : The Godfather Part II — © Laurent Durieux
Slide 19 : Visit Tomorrowland — © Laurent Durieux
Slide 20 : The Vista-Dome Califoria Zephyr — © Laurent Durieux
Slide 21 : Apocalypse Now — © Laurent Durieux
Slide 22 : Apocalypse Now (Variant) — © Laurent Durieux
Slide 23 : Ex machina (Variant) — © Laurent Durieux
Slide 24 : The Shining — © Laurent Durieux
Slide 25 : Snoopy Love — © Laurent Durieux

ŒUVRE

Au premier regard jeté sur les œuvres de Durieux, ce qui étonne d’emblée, c’est le gigantisme, les architectures cyclopéennes qui prennent corps dans les constructions rétrofuturistes de l’auteur. En témoignent ainsi les iconiques Bigfoot et King Kong. « J’ai toujours préféré les séquoias aux bonsaïs » nous renseigne Durieux. Les thématiques revisitent les plus grands classiques du cinéma, hitchcockien comme fantastique. Ses univers visuels sont emprunts des œuvres de HG. Wells, Georges Méliès ou encore Jules Verne. Parmi ses sources d’inspiration figurent les publicités américaines des années 1930, 1940 et 1950, tout comme les couvertures du New Yorker et de Fortune Magazine de ces mêmes décades. Les illustrateurs Norman Rockwell et Edward Hopper contribuent également à cette paternité, sans omettre ses idoles de toujours, Mœbius et François Schuiten. Ses personnages principaux sont souvent des monstres issus des grandes majors du cinéma hollywoodien, lesquels ne sont jamais figurés comme des créatures diaboliques, viles et malsaines, effrayantes. Tout au contraire, ses monstres sont décrits comme des créatures sensibles, romantiques, voire sentimentales. « La Momie est une histoire d’amour, non un film d’horreur », déclare l’intéressé. De même, Frankenstein offre une figure triste et tragique du « monstre », tandis que Dracula est manifestement pourvu d’un caractère romantique. Quant au loup-garou des films éponymes, il se retrouve davantage figure victimaire que monstre effrayant. Durieux révèle en ce sens cette part d’humanité propre en chaque créature, probablement en opposition à cette part de monstruosité qui ne manque jamais d’habiter notre propre humanité.

Sur le plan esthétique, les œuvres de Durieux décèlent une froideur toute conceptuelle qui n’est pas sans rappeler celle d’un autre dessinateur et démiurge, à savoir François Schuiten, avec lequel il partage cette passion des architectures rétro. Elles offrent un subtil mélange d’archaïsmes graphiques (le futurisme) et de modernité (travail numérique). Son œuvre impressionne, tant par sa minutie, son sens de la couleur que par ses compositions remarquablement orchestrées. Elle manifeste d’une inventivité débordante qu’accompagne une sensibilité évidente, reconnaissable entre toutes. Ces revisitations d’affiches originales sont toujours surprenantes et bien senties, magnifiant souvent ces dernières par ailleurs. Concernant la technique, Durieux commence son travail par des croquis au crayon. « Une fois que je suis satisfait de l’idée générale, je commence à dessiner sur l’ordinateur », lequel lui permet d’obtenir les détails et nuances que seul le numérique autorise. Une fois le dessin achevé, il met en valeur les ombres, et plus important encore, il se débarrasse de tous les contours noirs. Travaillant à l’origine dans un style approchant celui de l’illustrateur américain Brian Cronin, il troque ainsi le pinceau pour la plume, bénéficiant d’un résultat plus graphique et plus fort. Ainsi, par la suppression de tout contour, il se détache de l’aspect visuel de la bande dessinée, afin d’offrir quelque chose de radicalement différent. Son travail est en outre décliné en deux versions, la « regular » et la « variant », gardant toutes deux le même dessin, mais offrant deux choix de couleurs différentes. En 2019, Durieux s’ouvre à la bande dessinée, proposant une colorisation magistrale d’une singulière aventure de Blake et Mortimer : Le Dernier Pharaon, aventure scénarisée et dessinée par son compatriote François Schuiten.

Vidéos

The Poster Art Of Laurent Durieux. Insert Coins.

Out of the Box – Trailer. Film Fest Gent.

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