Journal d’un marchand de rêves, Anthelme Hauchecorne, Éditions French Pulp
Jérôme Noirez
Anthelme Hauchecorne nous livre sa dernière publication, Journal d’un marchand de rêves, publié chez French Pulp éditions. Nous y voyons les péripéties — plus rocambolesques les unes que les autres — du jeune Walter, lequel sombre peu à peu dans d’étranges rêves qui portent bien mal leur nom. Ces derniers s’avèrent en effet être une alternative bien réelle à notre réalité supposée bien établie, un univers parallèle dans lequel notre protagoniste va se découvrir un destin exceptionnel, puisque possédant le titre envié de Rêveur ou marchand de rêves. Un ouvrage fort singulier et aux contours séduisants comme en témoigne l’obtention du Prix Imaginales 2017 dans la catégorie Roman francophone. Récompense bien méritée.

Infos pratiques

Journal d’un marchand de rêves

Anthelme Hauchecorne

France

French Pulp éditions

French Pulp éditions

Anticipation

Inédit

Mai 2018

544 pages

Grand Format

18,00 euros

979-10-251-0368-5

© French Pulp éditions,2018 – © Anthelme Hauchecorne, 2018

Prix Imaginales 2017, Catégorie Roman francophone

Journal d’un marchand
de rêves

Anthelme Hauchecorne

Éditions French Pulp

Chronique réalisée par Frank Brénugat
Journal d’un marchand de rêves, Anthelme Hauchecorne, Éditions French Pulp

Voyage aux pays des Rêves

L’Éveil et l’Ever / De nos jours

Fantastique onirique

NOTRE ÉVALUATION

Histoire
Écriture
Personnages
Vidéos JOURNAL D’UN MARCHAND DE RÊVES
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HISTOIRE

Les premières pages de ce récit nous présentent Walter Krowley, travaillant à l’éloge funéraire d’une amie, éloge qui pourrait bien s’avérer également être la sienne. Il nous invite à lire ses mémoires, lesquelles témoignent d’une plongée abyssale de notre protagoniste dans des labyrinthes peu fréquentés et ô combien dangereux. Walter se découvre en effet le don particulier de pouvoir vivre l’envers de la vie éveillée au moment de s’endormir. Cet univers nommé Brumaire et accessible uniquement dans l’état de sommeil, laisse voir une réalité fantastique des plus foisonnantes, où un État totalitaire et des Outlaws déjantés se livrent à une concurrence sanguinaire afin de se procurer le précieux sable de Brumaire, lequel offre à ses consommateurs des pouvoirs défiant les lois temporelles et des capacités supérieures de retour dans la vie éveillée.

Ces étranges rêves ont commencé à se manifester chez notre ami Walter à la suite d’un accident de voiture, en compagnie de son meilleur compagnon Trent Trump. Fraichement débarqué dans cet univers parallèle, notre jeune héros manque son entrée en ne se confortant point aux codes particuliers et complexes de monde de l’Ever — monde inversé du Rêve dans notre univers. Mal lui en prend, puisque ce manquement au règlement contraint notre aventurier en herbe à rapidement se voir ficher comme hors-la-loi. Cette condition peu amène le conduit à faire la connaissance d’une charmante jeune fille du nom de Spleen, coincée à jamais dans le monde de l’Ever. Prospectrice de sable, elle lui explique les raisons des guerres sans fin que se livrent différentes factions pour s’approprier le précieux sable, lequel permet aux Rêveurs d’éteindre leur pouvoir tant dans le monde de l’Everque dans celui de l’Éveil. Walter ne manquera pas à son tour de tomber sous le charme de cette drogue, pour le meilleur et pour le pire. Et la spirale de s’accentuer, entrainant sur son chemin son lot de morts et de dommages collatéraux. Pourchassés par le gouvernement d’un côté et par les Outlaws de l’autre, Walter et Spleen devront redoubler d’efforts et d’ingéniosité afin de s’extraire des griffes du premier comme de celles des seconds. Mais à quel prix ?

Lecture

Disons-le d’emblée : Journal d’un marchand de rêves constitue une bien agréable surprise. Voilà une étonnante et convaincante interprétation du Marchand de sable, histoire issue du folklore dans laquelle le marchand de sable, personnage fabuleux, laisse tomber du sable sur les yeux des gens pour les endormir. Ce Marchand de sable issu du folklore francophone et anglophone tire son origine du Sandmann des cultures germaniques, chargé d’endormir les enfants en faisant picoter leurs yeux au moyen du sable. La transposition se fait ici au bénéfice d’un univers onirique aux contours fort bien dessinés.

Nous sommes d’emblée projetés dans les méandres de l’imaginaire hauchecornien. Point de préliminaires embarrassants : le lecteur bondit corps et âme dans cet envers de l’Éveil qu’est le Rêve nommé pour l’occasion Ever. On y découvre l’existence d’une gouvernance autocratique servie par une horde de fonctionnaires plus zélés les uns que les autres — nous renvoyant à l’excellent Brazil de Terry Gilliam —, d’une armée d’automates issus d’une ménagerie bien dégingandée, d’une bande de hors-la-loi aux trognes peu amènes et de quelques personnages hauts en couleur, perdus sur cette étonnante aire de jeu que constitue l’univers de Brumaire. On ne peut que se féliciter du talent de notre auteur à faire par ailleurs vivre cette belle brochette de gueules cassées. Les personnages — loin de servir de faire-valoir à une intrigue savamment orchestrée — ont le mérite de l’épaisseur et sont très bien soutenus dans leurs actions par des dialogues de premier choix. La forme narrative est principalement orientée sur les dialogues — fort truculents pour certains d’entre eux. Hautchecorne pratique un humour caustique fort à propos et c’est un régal que de se confronter aux quelques belles joutes oratoires de la part des différents protagonistes, à commencer par le principal intéressé. Si la forme dialoguée règne en maitresse, elle ne peut d’emblée s’exprimer qu’au détriment d’une narration moins descriptive. Et c’est chose fort dommageable dans la mesure où le contexte dans lequel évoluent les personnages manque singulièrement d’épaisseur. Nous savons de celui-ci qu’il oscille entre le western, le steampunk et les quelques clichés habituels des récits dystopiques, mais c’est à peu près tout. On aurait souhaité un travail plus soutenu concernant les lieux et atmosphères propres à l’Ever, afin de parfaire notre visualisation de cet étrange endroit. De même, certaines idées fort séduisantes n’ont manifestement pas bénéficié de toute l’attention qu’elles auraient été en droit d’attendre. En témoigne par exemple cette étrange relation qu’entretient tout Rêveur avec son Ça freudien, relation dont les tenants et les aboutissants nous échappent quelque peu…

L’idée de départ du récit hauchecornien est des plus grisantes, il faut bien l’avouer. Lorsque certains dormeurs plongent dans les bras de Morphée, ils se réveillent dans une autre réalité, celle de l’Ever, régie par ses propres lois. La consommation d’un sable au pouvoir démultipliant les capacités permet aux Rêveurs de retour dans la vie éveillée de briller au-delà de toute leurs espérances. La consommation de cette épice — laquelle permettrait également de voyager dans le temps, voire de demeurer éternels dans l’Ever comme semblaient le faire jadis les Oniromanciens dont le savoir s’est aujourd’hui perdu — n’est pas sans rappeler celle pour laquelle les galaxies s’entredéchirent dans le Dune de Frank Herbert. « Un humain dort un tiers de sa vie. Un tiers de sa vie supplémentaire dont nous, Rêveurs, disposons pour progresser. Arts, sciences, nous pouvons atteindre des niveaux inaccessibles au commun des mortels. Nous formons le pont entre l’Ever et l’Éveil. Nous avons le pouvoir de convoyer les rêves d’un monde à l’autre. »

Le monde de l’Ever… Paradis pour les uns ? Cauchemar pour les autres ? Si les perspectives oniriques offertes par les marchands de rêves se montrent des plus alléchantes, le prix à payer en contrepartie invite à la retenue, sinon à la réflexion. Notre héros ne manquera pas d’en apprécier le prix, lui… « L’Éveil n’est pas le monde de la lumière, Walt, c’est celui des déceptions. La nuit offre plus de raisons d’espérer que le jour. Quand le sable glisse sur nos paupières, nous devenons des étoiles, dont le royaume s’étend du crépuscule à l’aube. L’aurore est une sentence et le soleil, le geôlier de nos prisons. »Pour nous autres, lecteurs, en revanche, Journal d’un marchand de rêves constitue bien une aurore pleine de promesses. Nous verrions bien à ce propos l’auteur s’atteler à enrichir cet univers pour de prochains récits. La matière ne manque pas. Quitte à prendre pour notre auteur un peu de ce maudit sable s’il le faut… Bonne lecture à vous chers amis, blottis que vous êtes sous votre couette. Mais faites bien attention les enfants : le marchand de sable va passer…

Vidéos

Bande-Annonce de Journal d’un marchand de rêves. Anthelme Hauchecorne.

Trouver des idées pour son histoire. Goutte d’encre S01E01. Anthelme Hauchecorne.

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