Publié aux éditions Delcourt, Guérilla Urbaine est le treizième tome de la série Golden City. Sorti au mois de novembre, ce dernier nous embarque avec Harrison Banks à la recherche des responsables du naufrage de Golden City et au cœur des intrigues qui agitent la nouvelle Cité. Le dessinateur Nicolas Malfin, le scénariste Daniel Pecqueur et le coloriste Pierre Schelle nous projettent dans un futur proche et apocalyptique où argent, corruption et complots règnent en maître.
Infos pratiques
Golden City 12
Daniel Pecqueur
& Nicolas Malfin
& Nicolas Malfin
Éditions Delcourt
Chronique réalisée par Lionel Gibert et Jean-Marc Saliou
HISTOIRE
Après la tragédie responsable du naufrage de Golden City, Harrison Banks poursuit sa traque du commando. Dans un cimetière verdoyant, Basinger s’arrête sur une tombe surmontée d’une croix celtique : celle de Peter Mulligan. L’amant d’Irina Banks est le père biologique de Harrison. Cette révélation inattendue bouleverse l’enquête. Harrison a une demi-sœur mariée à un individu peu recommandable prêt à tout pour l’atteindre. Ce mafieux sans scrupules veut récupérer la part de l’héritage qui revient à Harrison Banks, léguée par son père juste avant de mourir et laquelle s’élève à 10 milliards de dollars.
Soudainement, des rafales d’armes automatiques rompent le calme. Basinger est mortellement touché. Il s’écroule et révèle le nom de Sean Cooper, le chef du commando qui a ordonné l’immersion de Golden City. Harrison, aidé par la maladresse inopinée des assaillants parvient à sortir indemne de l’assaut. L’enquête se poursuivra dans une autre direction. À partir de là, les événements s’enchaînent. Sœur Léa est blessée accidentellement dans un conflit social qui oppose des insurgés aux forces de l’ordre et Kumiko disparaît. Témoin par inadvertance des préparatifs d’une action à venir des androïdes, celle-ci devient leur otage.Ces derniers, exploités pour de basses besognes, se sont lancés dans un conflit pour la reconnaissance de leurs droits. Avec l’aide d’Amber, Harrison porte secours à Sœur Léa tandis qu’Apple, Solo et Mifa arrachent Kumiko des griffes des androïdes.
Bienvenue à Las Vegas où l’aventure se poursuit. Tania, la demi-sœur d’Harrison Banks organise des jeux du cirque dans lesquels s’affrontent et s’entretuent devant un parterre de richissimes parieurs sans domicile fixe et chômeurs. Avec pour le vainqueur la promesse d’une nouvelle vie. À peine arrivé, Harrison Banks se retrouve en mauvaise posture. Dans un appartement feutré du casino Stardust, notre héros est attaché sur une chaise sur laquelle il subit un interrogatoire musclé mené par le mari de Tania. À ses côtés, Tania est impassible : « Adieu frérot, content de t’avoir connu ! » Qui sont les assaillants ayant éliminé Basinger ? Le conseil des sages de la nouvelle Golden City est-il impliqué ? Et comment Harrison sortira-t-il de cette épineuse situation ?
Lecture
Dès la première page, nous sommes emportés dans l’histoire par les scènes d’action et les rebondissements qui se succèdent, comme en témoignent la mort tragique de Basinger, l’attaque de Sœur Léa ou encore la disparition de Kumiko. Nous sommes d’emblée tenus en haleine par ces événements qui concernent les personnages clés de cette série pour lesquels nous témoignons un réel attachement. Dans cet album, Nicolas Malfin et Daniel Pecqueur nous proposent deux histoires en parallèle. La première concerne l’enquête menée par Harrison Banks sur les causes du naufrage de Golden City — laquelle enquête court sur les quatre précédents tomes — tandis que la seconde se concentre sur la disparition de Kumiko — enquête initiée et trouvant sa conclusion dans cet opus. Cette dernière histoire apporte dynamisme et suspens à la trame générale de l’intrigue. C’est également l’occasion pour les auteurs d’aborder la lutte des classes au travers du conflit opposant les humains aux androïdes, ces entités biologiques synthétiques qui désirent jouir des mêmes droits que nous autres. Cette lutte, reflet des inégalités de notre société, ancre avec une crédibilité certaine l’univers de Golden City dans notre quotidien. La noirceur de cet univers apocalyptique soumis aux crises sociales et écologiques se voit toutefois contrebalancée par sa récurrente galerie de personnages attachants.
L’influence de Manchu et de Syd Mead s’avère perceptible concernant le design des véhicules et l’architecture futuriste, contribuant ainsi à densifier cet univers singulier. Malfin prend une plus grande liberté avec l’utilisation des codes graphiques et le découpage de certaines planches. Ce découpage atypique s’apparente à celui observé chez les mangakas à l’image de Tezuka. Ainsi la page 34, scène d’action qui montre l’attaque par les forces de l’ordre d’une usine appartenant aux dirigeants de Golden City afin d’y déloger des insurgés. Contrairement au découpage classique de la bande dessinée franco-belge, les cinq bandes de cette planche aux longs bords fuyants guident les yeux du lecteur vers un point de fuite imaginaire, imposant de la sorte un sens de lecture. La première bande se lit de gauche à droite tandis que le sens de la lecture pour la deuxième s’effectue de droite à gauche, une telle alternance sollicitant notre regard. Le récit bénéficie d’un rythme soutenu, ici renforcé par les nombreux éléments de chaque bande et les points de vue différents adoptés d’une bande à l’autre. Arrangé en fonction des actions des personnages, ce découpage favorise une lecture rapide et dynamique de la planche.
L’écriture est quant à elle subtilement liée au découpage des planches pour nous offrir une lecture fluide de l’album. Ainsi le gros plan sur Irina Banks expliquant à Harrison où trouver sa sœur, dans la deuxième bande de la page 30. Sa voix s’entend dans les phylactères de la bande suivante tandis que le dessin offre un autre plan portant sur le cirque romain que dirige Tania. Cette ellipse habile nous transporte instantanément à Las Vegas où nous attend Harrison. On reprochera toutefois une abondance de dialogues dans certaines situations, nuisant à l’efficacité du dessin.
Dessinateur méticuleux et exigeant, le style graphique de ce dernier est reconnaissable au premier coup d’œil, offrant des planches fort élégantes. Son trait proche de la ligne claire est précis et soigné jusqu’aux moindres détails tout en s’avérant des plus épurés. Comme le rappelle l’intéressé lui-même, son style s’est construit à partir de deux extrêmes : le dessin réaliste de William Vance et celui des dessinateurs du Journal de Spirou aux traits spontanés et caricaturaux. Son travail n’est pas non plus sans rappeler également celui d’Olivier Vatine, lequel fut son conseiller sur les premiers tomes de la série. La mise en couleurs par Pierre Schelle est une réussite et contribue à renforcer cet univers singulier qu’est Golden City. Ses couleurs vives versant majoritairement dans les tons bleus participent à cet univers d’anticipation en accentuant le côté réaliste de l’image. Pour les personnages, les couleurs dégradées offrent volume et profondeur.
Série plébiscitée par le public, mettant en scène l’affrontement récurrent d’Harrison Banks contre les dirigeants de Golden City, ce douzième tome donne une fois de plus à voir de belles scènes. Toutefois, une certaine routine pourrait guetter le lecteur. Le prochain opus ne manquera à ce titre pas de relancer l’action : un attentat vient juste d’endommager la nouvelle Golden City…
Vidéos
Bande-Annonce de Golden City, tome 9, Éditions Delcourt.
La chronique de Jean-Edgar Casel de Golden City, tome 11, Éditions Delcourt. Jean-Edgar Casel.