Jérôme Noirez
Découvert par Stan Lee, John Buscema fut l’un des principaux dessinateurs dans les années 1970 de la Marvel Comics. Il nous fait grâce de son remarquable travail sur les séries Les Vengeurs, Le Surfeur d’Argent et Wolverine. Mais c’est incontestablement dans le registre de l’heroic fantasy qu’il déploie tout son talent au travers du personnage de Robert E. Howard, Conan le Barbare, personnage qu’il suivra durant une quinzaine d’années. Les éditions Urban Comics nous gratifient avec Big John Buscema d’un solide artbook tout bonnement indispensable, orchestré d’une main de maître par Florentino Flórez.

Infos pratiques

Big John Buscema

Florentino Flórez

États-Unis

Urban Books et Éditions Déesse

Cyril Terrier

Jacques Colin

Inédit

Septembre 2017

330 pages

23,5 x 31,5 / Couverture cartonnée

39,00 euros

978-2-3657-7634-9

© Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017

Big John Buscema

Florentino Flórez

Éditions Urban Books

Chronique réalisée par Frank Brénugat

Comics

Super-Héros et Heroic Fantasy

Crayon et Encre de Chine

NOTRE ÉVALUATION

Richesse iconographique
Contenu éditorial
Maquette
Vidéos
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THÉMATIQUE

Né à Brooklyn aux États-Unis le 11 décembre 1927, John Buscema est connu pour ses innombrables travaux dans la presse des comic books. Suivant les cours de la réputée High School of Music and Art de Manhattan et du Pratt Institute, ce dernier acquiert les connaissances théoriques qui lui seront utiles par la suite. Répondant à une annonce parue dans le New York Times en 1948, il rencontre Stan Lee, officiant au profit de la Timely Comics, laquelle deviendra la Marvel Comics. Embauché, il travaille alors sur des titres aussi variés que Hulk, Le Surfeur d’Argent, Captain Marvel, Thor, Daredevil, Les Quatre Fantastiques, ou encore Spider-Man, offrant à ces derniers une véritable renaissance, après être quelque peu tombés en désuétude après la Seconde Guerre mondiale. Le genre est relancé et Buscema se montre l’un des principaux piliers de cette renaissance. Toutefois, n’ayant que peu d’estime pour les super-héros en collant — exception faite des héros de la mythologie asgardienne envers lesquels il témoigne une véritable admiration —, mais bien davantage pour ceux de l’heroic fantasy, c’est avec un réel enthousiasme qu’il accepte de dessiner le personnage de Conan, fils chéri du dieu Crom, issu de l’univers de Robert E. Howard. Durant ces quinze années au service du barbare howardien, Buscema déploie toute l’adresse et la force narrative qui ont contribué à sa légende. Sous les conseils avisés de Stan Lee, ce dernier rédige How to Draw Comics The Marvel Way, publié en 1978, lequel ouvrage s’avère encore aujourd’hui une référence des plus consultées. John Buscema décède à l’âge de 75 ans, le 10 janvier 2002. Le Festival de la bande dessinée de la Principauté des Asturies, en Espagne, crée en 2002 le Prix Spécial John Buscema, lequel récompense les acteurs du milieu invités au festival ayant contribué de manière extraordinaire à la bande dessinée et à sa reconnaissance.

« Des artistes du calibre de John Buscema (ou de Jack Kirby) ont été de véritables galériens, des esclaves du crayon, de la gomme, de la plume et du pinceau dans un monde d’expression qui, aujourd’hui encore, reste sous-estimés par une grande partie de la pseudo-intelligentsia dominante » affirme Faustino Rodríguez Arbesú, directeur du magazine El Wendigo et du Festival international de la bande dessinée de la Principauté des Asturies. Il est vrai : Buscema s’est montré tout au long de sa carrière un véritable stakhanoviste de la planche doublé d’un authentique orfèvre. Tout lecteur ne manquera pas en ce sens de remarquer les qualités indéniables de son trait : agilité, dynamisme, expressivité et sensualité. Son travail redéfinit chaque personnage, offrant ainsi certaines des plus emblématiques planches de la bande dessinée des années 1960. Reposant sur de nombreux témoignages, l’ouvrage de Florentino Flórez retrace la démarche créative du maître, laquelle a permis à de multiples personnages de prendre vie sous le regard et le trait avisés de ce dernier. Big John Buscema retrace cette magnifique odyssée qui permit à la Marvel Comics de jouir aujourd’hui du succès qu’on lui connaît, admirablement bien servie par une iconographie et un éditorial de premier ordre.

Marvel Comics Super Special #2 – John Buscema – 1977 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Sub-Mariner #2 – John Buscema – 1968 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Savage Sword of Conan #12 – John Buscema – 1977 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Savage Sword of Conan & Conan the Barbarian – John Buscema – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Conan the Barbarian #95 – John Buscema – 1979 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Conan the Barbarian #171 – John Buscema – 1985 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Tarzan #2 – John Buscema – 1977 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
WFCBA Portfolio (Éditions Déesse) – John Buscema – 1983 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Logo de la série Wolverine de 1988 – John Buscema – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017
Savage Sword of Conan #58 – John Buscema – 1980 – Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017

Lecture

Entre le « King » Kirby et Stan « The Man », notre  » Big John » est assurément l’une des références les plus prisées de la galaxie protéiforme des comic books. Big John Buscema retrace la vie et l’œuvre de ce génie de la bande dessinée, véritable stakhanoviste de la planche. Le contenu éditorial oscille entre anecdotes d’auteurs et entretiens de ses proches, assorti d’une riche iconographie contenant de nombreux inédits.

« Son style classique, réaliste, vif, puissant, viril et élégant, rappelant beaucoup Hal Foster, Alex Raymond ou Al Williamson, combinait souvent le meilleur de ces artistes », nous précise le même Faustino Rodríguez Arbesú. En témoignent les incontestables réussites que sont les personnages de Conan et du Surfeur d’Argent. Nul auteur n’est parvenu à porter si haut cette force visuelle et ce dynamisme que Buscema. Ainsi le héros hyperboréen de Buscema parvient-il à exprimer toute cette sauvagerie, assortie d’un romantisme jamais démonstratif, belle expression d’un délicat équilibre s’il en est. Sa parfaite connaissance de l’anatomie et le dynamisme mis en valeur dans l’orchestration des combats en sont la parfaite illustration. Au même titre que les illustrations signées par l’inégalable Frank Frazetta, celles de Buscema ont incontestablement contribué au succès livresque du Conan d’Howard, dont les premiers tirages faisaient pâle figure au regard du fort potentiel du personnage et de l’univers howardien.

Tout lecteur sera d’emblée séduit par la richesse éditoriale de cet artbook. Bien trop souvent en effet, certains éditeurs se contentent de récupérer un matériau iconographique de bonne facture, il est vrai, mais réduisent la partie éditoriale à peau de chagrin, assurant en ce sens un service a minima. Au lecteur de se contenter de belles images, sans la moindre mise en perspective de ces dernières par rapport à son créateur. Dès lors, le lecteur le plus avisé s’en ira combler ses lacunes sur le réseau. Avec Big John Buscema, point de frustration sur cette question, eu égard à la générosité du champ rédactionnel. Ce dernier nous permet ainsi de jouir au mieux de la démarche créatrice de l’auteur dans ce contexte particulier qu’est l’industrie du comic books. Ayant choisi une approche classiquement chronologique, Florentino Flórez nous ouvre les portes d’une lecture fort instructive, même si parfois un tantinet laudative… On y apprend ainsi que le prolifique dessinateur réalisait entre deux et quatre pages quotidiennement, conciliant ainsi pour le grand bonheur des éditeurs une incontestable exigence artistique et une exécution respectueuse des délais de l’édition… Le travail éditorial de Flórez s’appuie notamment sur nombre de témoignages du maître et de ses proches collaborateurs et amis. Il nous permet de saisir au mieux les conditions dans lesquelles la création du démiurge s’est fait jour. Signe d’un travail éditorial respectueux de son matériau et de ses lecteurs, Big John Buscema offre une bibliographie définitive s’étalant sur quelque seize pages tout de même… Le fan service appréciera.

Qui dit artbook ou beau-livre dit illustrations. Force est de constater que cette édition répond largement aux attentes, tant par la diversité des illustrations retenues — pour certaines rares —, leur qualité visuelle que par le soin apporté dans leur mise en pages. Voilà un bel objet riche en planches, croquis, esquisses et illustrations de couverture. Le grand format de l’ouvrage invite à se perdre dans les infimes détails du trait de Buscema, faisant ainsi ressortir toute la minutie que ce dernier mettait dans ses planches, quand même les impératifs commerciaux lui dictaient une production quasi industrielle. Cela force d’autant plus le respect… Ces illustrations nous permettent d’apprécier tout le talent de l’artiste, notamment concernant son travail sur Le Surfeur d’Argent et a fortiori sur le légendaire Conan le Cimmérien. On ne peut que tomber sous le charme d’un trait aussi maîtrisé, de l’expressivité étonnante des protagonistes et d’une dynamique de mouvement que peu d’auteurs parviennent à retranscrire. Les illustrations se partagent équitablement des reproductions alternant le noir et blanc et la couleur, servies par un grammage de belle facture, accentuant s’il en était besoin l’excellente tenue de l’ensemble. Quelques esprits chagrins reprocheront peut-être le petit nombre de doubles pages, lesquelles il est vrai assurent toujours le show.

On ne pourra in fine que décemment conseiller cette somme à tout amateur de comics, mais aussi d’illustrations en général. Le travail de Buscema s’étend bien au-delà de la sphère fanique de l’auteur et de ses univers, cela s’entend. Un objet précieux pour tout amateur de bandes dessinées et d’illustrations. Si Buscema a su par le passé gagner le cœur et le respect des lecteurs, il eut plus de difficultés à gagner celui de la presse. Gageons qu’avec un si bel hommage à « Big John », cette dernière cessera de regarder l’édition du comic books avec un dédain parfois assumé. Big John Buscema est un vibrant hommage, plus que légitime, à une légende du neuvième art.

Big John Buscema – © Éditions Urban Books, 2017 – © Éditions Déesse, 2017

Vidéos

Deep inside Big John Buscema IDW Publishing. Lord Tatman.

The John Buscema 2001 Shoot Interview by David Armstrong. Comic Book Historians.

Sites internet