Jérôme Noirez
Passionné de linguistique et plus précisément de linguistique-fiction, Frédéric Landragin s’est fait connaître par chez nous au travers de deux fascinants essais publiés chez Le Bélial’, Comment parler à un alien ? et Comment parle un robot ? L’auteur, Directeur de recherche au CNRS en linguistique et spécialiste en traitement automatique des langues naturelles et dialogue entre humain et machine nous éclaire sur une thématique malheureusement peu exploitée dans nos contrées, à savoir la linguistique-fiction. Toutefois, au regard des champs d’exploration insoupçonnés pour nos littératures, nul doute que d’aucuns ne manqueront pas d’investir ledit champ, nouvelle terra incognita aux promesses les plus fécondes. En témoigne justement Ada Palmer avec son remarquable et récent cycle Terra Ignota.

Rencontre avec
Frédéric Landragin

Entretien réalisé par Franck Brénugat

lefictionaute : D’où est né votre intérêt pour la linguistique en général et la linguistique-fiction en particulier ?

Frédéric Landragin : Mon intérêt pour la linguistique vient d’un stage de fin d’études. J’avais 23 ou 24 ans, je terminais une école d’ingénieur en informatique, et le sujet de ce stage a été un véritable déclic : je devais programmer un système pour qu’il comprenne des commandes vocales. C’était inhabituel à l’époque, et ça me rappelait HAL, le superordinateur de 2001, qui m’a toujours fasciné. Les mots des commandes étaient peu nombreux, les phrases restaient simples, mais il y avait des enjeux au niveau de l’interprétation en contexte. Je me suis documenté, et je me suis alors intéressé à la complexité de la langue. J’ai lu des introductions à la linguistique (je me suis rappelé au passage les cours de latin et de grec ancien que j’avais suivis au collège) et ça m’a passionné, au point de prolonger mes études et de m’inscrire en Master — DEA à l’époque — de linguistique-informatique. Un peu plus tard, en thèse, je me suis rappelé avoir lu, à 18 ou 19 ans, L’Enchâssement de Ian Watson. Je savais qu’il était question de linguistique, et que cet aspect du roman m’avait peu marqué à l’époque — surtout par rapport aux autres thèmes développés par Ian Watson, par exemple la venue d’extraterrestres sur Terre. J’ai alors repris ce roman, puis j’en ai cherché d’autres qui parlaient de linguistique. Sans encore utiliser l’étiquette « linguistique-fiction », mes critères de recherche étaient clairs : il fallait que la science explorée soit la linguistique, il fallait que l’intrigue pose des questions liées aux langues.

Babel 17 de Samuel Delany, L’Enchâssement de Ian Watson, L’Histoire de ta vie de Ted Chiang, Les Langages de Pao de Jack Vance ou encore Légationville de China Miéville font partie des œuvres phares de la linguistique-fiction. Laquelle de ces œuvres vous a particulièrement séduit ?

L’Enchâssement de Ian Watson reste le premier que j’ai lu (et redécouvert), et garde de ce fait un avantage par rapport aux autres, même si je lui trouve maintenant quelques points faibles. L’intrigue se résout trop vite, par exemple. Sinon, L’Histoire de ta vie de Ted Chiang représente pour moi la synthèse parfaite d’une intrigue puissante (sans trop spoiler : « que peut faire une mère face à… »), d’un questionnement linguistique très bien documenté (« dans quelle mesure apprendre la langue d’extraterrestres peut-elle nous faire évoluer ? ») et d’un développement SF incroyable, qui reprend en la retravaillant totalement une thématique classique, le premier contact avec des extraterrestres. Difficile de faire mieux, surtout en aussi peu de pages.

Dans cette hypothèse d’un premier contact avec des extraterrestres, la nature de cet échange linguistique aurait-elle quelques similitudes — même très éloignées — avec nos langages humains ou est-il plus probable que cet échange — ou tentative — nous renvoie à une expérience radicalement autre ?

Comme on ne peut strictement rien anticiper quant à un éventuel premier contact, on regarde autour de nous et on essaie d’imaginer. Dans beaucoup d’œuvres de SF, la communication entre humains et extraterrestres est linguistique. Y compris dans L’Histoire de ta vie de Ted Chiang, où les heptapodes ne sont finalement pas si différents des humains : ils parlent, font des gestes de désignation, ont une écriture. Leur apparence physique est très différente, mais l’expérience de communication n’est pas « radicalement » autre, comme c’est le cas par exemple dans Solaris de Stanislas Lem — où le contact n’aboutit d’ailleurs pas. Pour un premier contact original, différent, par exemple celui entre les humains et les araignées modifiées de Dans la toile du temps d’Adrian Tchaikovsky, mieux vaut laisser de côté la linguistique et s’intéresser à la communication animale. L’histoire est parsemée de tentatives pour communiquer avec des grands singes, des dauphins ou des abeilles. Le cas des abeilles est fascinant car il s’étend sur des décennies : on est désormais capable d’indiquer à des abeilles une source de nourriture, mais c’est par le biais d’un petit robot à la forme (et la taille) d’abeille ; le robot est capable de faire la fameuse danse, qui est longtemps restée un mystère, avant d’être décodée par Karl von Frisch. Peut-être est-ce là une expérience radicalement autre : décodage, puis programmation d’un robot qui sert d’intermédiaire, aucune communication directe n’étant possible.

Pour quelles raisons la linguistique-fiction rencontre-t-elle si peu la faveur des écrivains ? Est-ce en raison d’une discipline jugée trop absconse ou trop peu médiatisée ?

Un peu des deux. J’évoquais plus haut les cours de latin et de grec ancien au collège et au lycée. Pour le latin, j’ai malheureusement subi une professeure qui fonctionnait à l’ancienne : il fallait apprendre par cœur des dizaines de déclinaisons, les réciter au cours suivant, puis en apprendre de nouvelles, sans réfléchir. Puis enchaîner avec des versions. Et des thèmes. Et des versions, etc. Pour ne pas bloquer devant un mot inconnu, on pouvait consulter un énorme dictionnaire (qu’il fallait trimbaler à chaque fois) : le Gaffiot pour le latin, le Bailly pour le grec. Franchement, à moins d’avoir une curiosité insatiable pour les langues, ça ne donnait pas vraiment envie de s’inscrire en linguistique à l’Université.
De fait, il s’agissait de cours de langue, mais pas du tout de linguistique : je ne me souviens pas qu’on m’ait indiqué en tant que tel un phénomène linguistique remarquable. Par exemple, le grec ancien comporte le singulier, le pluriel, mais aussi le duel : un verbe se conjugue différemment selon qu’on est deux ou plus que deux. On notait cette particularité… et on passait à autre chose. J’aurais aimé au contraire qu’on m’explique que l’opposition singulier-pluriel, qui semble si stable, voire universelle pour un élève de collège, n’est en fait qu’un cas parmi d’autres : on trouve dans le monde des langues avec un duel, un triel, un quatriel, un pauciel ! Aucune importance si on n’apprend pas ces langues (nul besoin d’être polyglotte pour faire un peu de linguistique) : l’important, c’est de remettre en question quelque chose que l’on croit figé, et d’élargir son champ de vision. Des digressions de ce genre auraient pu attiser bien plus tôt ma curiosité pour la linguistique, et rendre cette discipline moins « absconse ». Ceci dit, l’exemple que je prends est en grec, or mon professeur de grec avait justement cette capacité à nous ouvrir l’esprit. Mon mauvais souvenir, c’est le latin…
Pour ce qui concerne le manque de médiatisation, je ne peux que confirmer : on voit régulièrement à la télévision ou sur le web des physiciens expliquer comment ils travaillent à étudier la planète Mars ou à chercher des exoplanètes, on voit des chimistes en blouse en train de manipuler des produits, des primatologues sur le terrain avec les animaux qu’ils observent, etc. Mais on voit très rarement un ou une linguiste en train d’étudier un corpus de textes pour en extraire les expressions de tel type — les enchâssements, par exemple — ou un linguiste sur le terrain, en train d’enregistrer les derniers locuteurs d’une langue en voie de disparition. Ce sont pourtant des situations réelles, et susceptibles d’offrir un aperçu du métier — ou plutôt des métiers — de linguiste.

Quels sont les territoires que la linguistique-fiction pourrait explorer justement pour élargir son champ au plus grand nombre ?

Dans les romans cités plus haut, on trouve essentiellement deux théories linguistiques : la thèse de Sapir-Whorf, comme quoi notre langue influence notre façon de percevoir le monde (et donc apprendre une autre langue, par exemple celle d’aliens, « modifie » notre façon de percevoir le monde), et l’existence de structures universelles, communes à toutes les langues — idée de Noam Chomsky pour la syntaxe, étendue par la SF à toute la linguistique. Dans L’Enchâssement, on suit un linguiste de terrain dans sa documentation d’une langue amérindienne. Mais il n’est jamais question de linguistique-informatique, par exemple. Les avancées du traitement automatique des langues (traduction automatique, pour donner un exemple d’application que tout le monde connaît) pourraient être plus exploitées dans des romans. On voit un peu de traitement automatique dans le film Premier Contact, tiré de L’Histoire de ta vie, et c’est d’ailleurs très bien fait — mais c’est loin d’être central. Même chose pour la psycholinguistique, voire la neurolinguistique, c’est-à-dire des approches pluridisciplinaires modernes — en tout cas bien plus récentes que la thèse de Sapir-Whorf ou que les idées de Chomsky.

Slide 1
Solaris — © Éditions Gallimard, Folio SF, 2017 — © Stanislas Lem, 1961 — Illustration © Aurélien Police, 2017 — Traduction © Jean-Michel Jasienko, 2017

Slide 2
Les Langages de Pao — © Éditions Gallimard, Folio SF, 2008 — © Jack Vance, 1965 — Illustration © Philippe Rojas, 2008 — Traduction © Brigitte Mariot, 2008

Slide 3
Babel 17 in Les Chants de l’espace — © Éditions Bragelonne, 2008 — © Samuel R. Delany, 1966 — Illustration © Stephan Martinière, 2008 — Traduction © Mimi Perrin révisée par Claude Dunyach, 2008

Slide 4
2001 : L’Odyssée de l’espace in Les Odyssées de l’espace — © Éditions Omnibus, Omnibus, 2001 — © Arthur C. Clarke, 1968 — Illustration © Marc Taraskoff et Didier Thimonier, 2001 — Traduction © Michel Delmuth, 1968

Slide 5
L’Enchâssement — © Éditions Le Bélial’, Kvasar, 2015 — © Ian Watson, 1973 — Illustration © Manchu, 2015 — Traduction © Didier Pemerle, 2015

Slide 6
Native Tongue — © Éditions Penguin Publishing Group, 1984 — © Suzette Haden Elgin, 1984 — Illustration © Victor Mosquera, 2017 — Traduction © Michelle Charrier, 2022

Slide 7
« L’Histoire de ta vie » in La Tour de Babylone — © Éditions Gallimard, Folio SF, 2020 — © Ted Chiang, 2002 — Illustration © Manchu, 2006 — Traduction © Pierre-Paul Durastanti et Jean-Pierre Pugi, 2006

Slide 8
Légationville — © Éditions Pocket, 2015 — © China Miéville, 2011 — Traduction © Nathalie Mège, 2011

Slide 9
Dans la toile du temps — © Éditions Denoël, Lunes d’Encre, 2018 — © Adrian Tchaikovsky, 2015 — Illustration © Henry-Luc Planchat, 2018 — Traduction © Gaëlle Marco, 2018

Slide 10
Trop semblable à l’éclair — © Éditions Le Bélial’, 2019 — © Ada Palmer, 2016 — Illustration © Victor Mosquera, 2016 — Traduction © Michelle Charrier, 2019

Slide 11
Sept redditions — © Éditions Le Bélial’, 2020 — © Ada Palmer, 2017 — Illustration © Victor Mosquera, 2017 — Traduction © Michelle Charrier, 2020

Slide 12
La Volonté de se battre — © Éditions Le Bélial’, 2021 — © Ada Palmer, 2017 — Illustration © Victor Mosquera, 2017 — Traduction © Michelle Charrier, 2021

Slide 13
L’Alphabet des Créateurs — © Éditions Le Bélial’, 2022 — © Ada Palmer, 2017 — Illustration © Victor Mosquera, 2017 — Traduction © Michelle Charrier, 2022

Slide 14
Comment parler à un alien ? — © Éditions Le Bélial’, Parallaxe, 2018 — © Frédéric Landragin, 2018 — Illustration © Cédric Bucaille, 2018

Slide 15
Comment parle un robot ? — © Éditions Le Bélial’, Parallaxe, 2020 — © Frédéric Landragin, 2020 — Illustration © Cédric Bucaille, 2020

Pour le linguiste Noam Chomsky, il est possible de repérer l’existence d’une grammaire universelle là où d’autres considèrent impossible, sinon difficile de souligner ces hypothétiques universaux linguistiques, au regard justement de l’extrême diversité des langues humaines. Comment vous positionnez-vous dans ce débat ?

Plutôt du côté de l’extrême diversité (et richesse) des langues humaines, ce qui rend très difficile l’identification d’universaux. Je trouve aussi qu’il est moins urgent d’identifier et analyser les éventuelles caractéristiques universelles, que de documenter et étudier les langues actuellement parlées, dont beaucoup vont disparaître dans les décennies à venir. On a encore une grande diversité de langues, mais celle-ci s’amenuise. Étudions d’abord les langues en voie de disparition, explorons ensuite les caractères communs…

Le débat philosophique concernant la prééminence du langage sur la pensée — ou son inverse — se montre-t-il toujours d’actualité ? Est-il absurde de concevoir une pensée inverbale, comme l’exposaient le philosophe Bergson ou certains penseurs chrétiens ?

C’est effectivement une question très vaste et toujours aussi intéressante. Quand je vois le comportement de mon chat, quand par exemple il se rebelle suite à une punition trop forte de ma part, j’ai du mal à croire que le langage prime sur la pensée. Et, en même temps, on conçoit bien qu’une pensée se précise plus facilement quand on dispose de mots — et de moyens linguistiques — adéquats. Pensée et langage s’enrichissent l’un l’autre.

Concernant cette question du langage animal, la linguistique humaine peut-elle s’avérer d’un quelconque secours afin de saisir la nature des échanges linguistiques concernant les différentes espèces animales ou les approches de l’éthologie sont-elles radicalement différentes ?

Non, je ne pense pas que la linguistique soit d’un quelconque secours. Pour apprendre à comprendre un chien, il faut l’observer longuement, et bien le connaître pour faire des hypothèses sur ses émotions. Qu’il remue la queue, baille ou aboie, tout ceci a une et même plusieurs significations, que seule une approche éthologique peut explorer. On m’a appris un jour qu’un chien bâille quand il se sent mal à l’aise, qu’il aimerait être ailleurs. Depuis, quand je vois un chien « embauché » dans un film qui passe son temps à bâiller, ça me fait presque de la peine pour lui.

Quels sont les apports les plus importants en linguistique ces dernières années ?

L’étude du sens — la sémantique — a beaucoup progressé, et s’avère désormais bien plus riche qu’à l’époque de Chomsky. La pragmatique, c’est-à-dire l’étude du sens en contexte, progresse également. La linguistique dite « du discours », qui s’intéresse à des productions structurées sur plusieurs phrases (et non une seule phrase), est également fructueuse. Ce sont des exemples parmi d’autres, et il faut aussi ajouter les disciplines que je citais plus haut, qui se situent à la croisée de la linguistique et d’une autre discipline : linguistique-informatique (traitement automatique des langues, donc), psycholinguistique, neurolinguistique, sociolinguistique, géolinguistique, etc.

Uniformisation oblige, le nombre de langues parlées aujourd’hui (7000) passerait à la fin du siècle à quelque 3000. Quel regard le linguiste que vous êtes porte-t-il sur cette bien malheureuse uniformisation ?

Comme pour les espèces animales en voie de disparition, c’est tout simplement triste. Et d’autant plus qu’on ne sait même pas exactement ce que l’on est en train de perdre. Il existe peut-être une langue dans le Pacifique dotée d’une caractéristique incroyable, qui permettrait de remettre en question une théorie linguistique ou, plus pragmatiquement, d’illustrer un cours de linguistique et d’attirer de nouvelles vocations. Après, on ne peut pas reprocher aux locuteurs de langues « exotiques » d’utiliser des langues plus communes, anglais ou espagnol, par exemple, pour trouver du travail, se déplacer, etc. Même si c’est au prix de l’oubli de leur langue maternelle. L’uniformisation est malheureuse, mais elle apporte aussi des avantages…

Sélection naturelle oblige, est-il possible à ce jour d’anticiper sur les potentiels gagnants et perdants de cette « lutte des langues » ou l’histoire — même linguistique — est-elle condamnée à demeurer viscéralement imprévisible ? La langue bretonne, par exemple, appartient-elle déjà aux langues mortes ou peut-elle prétendre figurer parmi les quelque 3000 langues vernaculaires possiblement en usage à la fin de ce siècle ?

Il est sans doute prévisible que des langues parlées actuellement par moins de 1000 personnes vont disparaître. Et que l’anglais, l’espagnol ou le français fassent partie des langues en usage à la fin de ce siècle. Mais rien n’est écrit : avec le regain d’intérêt pour les langues régionales et l’option au baccalauréat, le breton (qui n’a jamais été une langue morte) revient par exemple sur le devant de la scène, avec environ 200 000 locuteurs.

De nombreux mouvements prennent fait et cause pour une meilleure égalité hommes-femmes. L’écriture inclusive s’est également invitée au cœur de cette problématique. Quel regard portez-vous sur cette revendication linguistique ?

J’ai plus de réserves pour l’écriture inclusive que pour l’utilisation de pronoms non genrés. Il existe le pronom « on », donc pourquoi pas « iel », ou autre chose. Les auteurs de SF ont d’ailleurs, peut-être même les premiers, imaginé plusieurs moyens de ce type pour ne pas favoriser systématiquement le masculin. Ce qui me gêne avec l’écriture inclusive, c’est le décalage qu’elle creuse entre l’oral et l’écrit. Mais peut-être qu’on va s’y habituer et adopter deux modes de fonctionnement — un pour l’oral, l’autre pour l’écrit. Comme pour nous tous, il me faudra du temps pour adopter la solution qui saura se distinguer et perdurer. Mais ce sera une difficulté liée au manque d’habitude, pas un problème de conviction personnelle.

Le cycle Terra Ignota d’Ada Palmer demeure sur cette question d’une remarquable fécondité. Après la sortie de vos opus Comment parler à un alien ? et Comment parle un robot ?, quels autres champs aimeriez-vous explorer dans nos littératures de genre ?

Oui, Ada Palmer fait très fort, il va falloir que je prenne le temps de poursuivre ce cycle magistral. D’une manière générale, les autrices et auteurs de science-fiction sont souvent forces de proposition. Je pense notamment au láadan, la langue des féministes dans Native Tongue de Suzette Haden Elgin, roman paru en 1984 et pas encore traduit en français. Par ailleurs, en traitant de machines à langage, ou d’« intelligences artificielles parlantes », Comment parle un robot ? est une sorte de pont entre la linguistique et l’IA. J’aimerais continuer à creuser des questions d’IA, d’autant plus que la discipline vit en ce moment un chamboulement à la fois déroutant et très intéressant !

Vous titillez notre curiosité ! Quelques révélations sur la nature de ce « chamboulement » ? Je me mets à espérer que nos chers IA pourront un jour pratiquer un humour digne de ce nom… Croyez-vous d’ailleurs que ces derniers finiront tôt ou tard par saisir « intuitivement » le second degré, ultime frontière séparant l’homme de la machine ?

Pas de révélation particulière : le chamboulement est celui du deep learning, c’est-à-dire de l’apprentissage artificiel à l’aide de réseaux neuronaux en couches. Cette technique complexe d’IA a commencé à faire ses preuves dans le monde de l’image, il y a déjà une dizaine d’années. À l’heure actuelle, elle est expérimentée absolument partout, pour tous les domaines, et elle relègue à la poubelle les techniques développées auparavant, parfois pendant des années et des années. L’humour artificiel, c’est une autre histoire. En fait, comme pour tout développement informatique, il faut guider la machine, par exemple lui fournir une base de données où les différents sens d’un mot sont contextualisés. En gros, on apprend à la machine à faire des jeux de mots — quitte à la rendre hyper-spécialisée. Le résultat pourra être pertinent, ou tomber à plat (comme l’humour humain, donc). L’ironie et le second degré sont des défis. Clairement, on a déjà beaucoup de mal à programmer une machine pour qu’elle arrive à comprendre ne serait-ce que quelques phrases. On est donc très loin d’une machine arrivant à saisir le second degré…

Vidéos

Premier contact : comment parler à un alien ? Cité des sciences et de l’industrie.

Comment parle un robot. UPA Arcueil. 

Sites internet