Jérôme Noirez
Dantec, alias Claude Goussard, illustrateur de talent, nous offre une série d’illustrations à l’encre de Chine, dont les thématiques naturalistes nous invitent à la rêverie d’un monde peuplé d’arbres-dieux, de vieilles pierres, de ruines et de forêts luxuriantes. Un monde où les civilisations, abandonnées par l’Histoire, se sont retirées au profit d’une nature intemporelle et primordiale. Laquelle semble bien vouloir reconquérir ses territoires jadis perdus…

Mythologies

Dantec

Article réalisé par Franck Brénugat

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AUTEUR

Dantec est né en 1950 entre Bourgogne et Morvan. Des études secondaires puis Hypokhâgne et Khâgne le mènent… à la sellerie puis à la création de retables. En 1979, il tire la raclette dans un atelier de sérigraphie à Morlaix puis monte une agence de publicité. Peu doué pour le commerce et le port de la cravate, il part deux ans convoyer seul des voiliers en Europe du Nord et Méditerranée. Retour en 1983, encore trois ans pour rebâtir une maison en Trégor, en présidant une maison d’édition associative, et en livrant des affiches de spectacles, premiers dessins signés Dantec, encore polychromes. Fin 1987, Georges Jouin le convainc d’exposer dans sa librairie Kornog. Suivront alors de nombreuses autres expositions, dont une à Amsterdam. En 1990, il obtient le Grand Prix du Salon de Lyon. Au retour, il s’arrête à Dijon, le temps d’acheter Vieux Pierre, une péniche de 40 mètres, avec l’idée d’en faire une galerie itinérante de prestige. Fin juillet 1992, il s’embarque sur cette dernière où les restaurations se poursuivent. Son nouveau nom, Ars Europa, décrit son nouveau programme : promotion des arts de et en Europe. L’anartiste devient armateur d’art et ne cesse alors de voguer. Depuis quelque temps déjà, l’auteur abandonne ses plumes au bénéfice de l’une de ses lointaines passions, la culture d’herbes médicinales et aromatiques qu’il chérit au sein de sa Bourgogne natale. Dantec décède en 2018, âgé de 68 ans.

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Cinq heures du matin – Encre de Chine – © Dantec, 1989

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La Victoire d’Unilever – Encre de Chine – © Dantec, 1989

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Hommage à Rodolphe Bresdin – Encre de Chine – © Dantec, 1990

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Les Villages épiphytes – Encre de Chine – © Dantec, 1990

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Pluies acides – © Encre de Chine – © Dantec, 1990

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La Tranchée – © Encre de Chine – © Dantec, 1991

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Le Roi des escargots – Encre de Chine – © Dantec, 1991

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La Vengeance – Encre de Chine – © Dantec, 1992

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Le Totem – Encre de Chine – © Dantec, 1992

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L’Oiseau-Qui-n’Existe-Pas – Encre de Chine – © Dantec

ŒUVRE

L’œuvre de Dantec, alias Claude Goussard, n’est pas sans rappeler celle de Gustave Doré et plus encore celle de Rodolphe Bresdin, pour lesquels l’auteur voue une sincère admiration. Ses œuvres fantastiques sont réalisées à l’encre de Chine et se rapprochent en cela des travaux de gravure des auteurs susnommés. Trois thématiques parcourent son travail : les arbres, les villes et l’océan. L’auteur est apprécié pour son humour décapant, comme en témoigne une signature en forme d’ancre, toujours bien cachée dans un quelconque recoin sombre de son œuvre. À la lecture de ses tableaux, force est de constater son amour indéfectible pour mère Nature, qu’il préfère mystérieuse et sauvage. Même ses villes verticales ne sauraient échapper au milieu végétal dans lequel elles semblent s’épanouir ou s’éteindre, tels des arbres en quête de majesté. Les ruines le fascinent, témoin de la caducité de toutes choses, choses condamnées comme les œuvres de cette même nature à naitre, vivre puis dépérir. Pour renaitre peut-être sous d’autres cieux. Éternel retour d’une vie commencée bien avant notre fragile et éphémère présence sur cette Terre aux promesses infinies. « Dans mes dessins, l’arbre est aussi présent que dans le monde autour de nous. Mutilé, entravé, asservi, effeuillé par l’ongle douteux de l’homme ; ou plus souvent révolté et jaillissant comme il m’arrive de le rêver ; ou matrice végétale où se fondre, canopée protectrice de dryades et de tarzans, berceau pour enfants des bois, Peter Pan, Mowgli, Baron perché. / Du coin de mes tableaux, il nous contemple, arbre-totem, Dieu et père tutélaire, vieillard de grande sagesse malmené par la troupe irrespectueuse et niaise des garnements malfaisants, brûleurs de forêts, saigneurs de sève, bétonneurs de haies. / Souvent, des chênes abattus par les remembrements de nos marelles cadastrales, des lianes sectionnées par les canifs de nos tour-operators jouant aux Indiens de square, des arsins grillés par les pluies de nos jouets acides ; je veux voir bourgeonner des surgeons géants, justiciers tentaculaires qui broieraient d’un revers de racine nos décors en béton-pâte. Je veux imaginer notre fourmilière atterrée fuyant cette force enfin réveillée par nos chants d’enfants insupportables nous décochant une chiquenaude magistrale, un soufflet dédaigneux de la branche… / Vaniteux et braillards, peuple infantile se croyant roi d’un monde qui le surpasse, nous sommes les Bandar-log ridicules du grand livre de la jungle originelle ; sourds à l’enseignement murmuré des arbres de ces vieux penseurs. Toutes nos civilisations, Borobudur, Zimbabwé, Tula, un jour prochain Paris, New York et Tokyo ne seront qu’un jeu de cubes éparpillé sous les grands arbres… / … quand la récréation sera finie. » [Penn ar Bed, n° 141, Bulletin trimestriel de la société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne, 1991, Morlaix.] Une bien sombre poésie, dont les accents prémonitoires sonnent comme un ultime avertissement en ces temps d’aliénation… 

Vidéos

Gustave Doré : A collection of 727 etchings (HD). LearnFromMasters.

L’exposition Gustave Doré. L’imaginaire au pouvoir. (Musée d’Orsay).

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