Jérôme Noirez
Véritable autodidacte, ayant fait ses humanités en traînant ses guêtres d’un musée à l’autre, Philippe Druillet donne à voir dans son œuvre Salammbô – Les Nus une création tourmentée, excessive, inventive, colorée, incisive voire belliciste, à l’image du bonhomme assurément. Au regard de son œuvre protéiforme, il s’avère manifeste que les Muses semblent avoir été plus que prodigues à l’encontre du sieur. Grand bien lui fasse !

Salammbô – Les Nus

Textes de Flaubert

Philippe Druillet

Article réalisé par Frank Brénugat

AUTEUR

Tout jeune déjà, à l’âge de 14 ans, Druillet découvre les univers de l’imaginaire par sa fréquentation des textes lovecraftiens. À la suite de son certificat d’études, il devient photographe et croise deux ou trois années plus tard le chemin du dessinateur, illustrateur et critique de cinéma Jean Boullet, lequel l’initie aux joies du dessin et de l’esthétisme. Fortement influencé par Le Matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier, il se lance corps et âme dans le dessin. Son premier ouvrage, mettant en scène son héros récurrent Lone Sloane, Le Mystère des abîmes, paraît en 1966. Il poursuit sa carrière chez OPTA où il réalise couvertures et illustrations, avant d’entrer en 1969 dans le journal Pilote. En 1974, il quitte ce dernier et fonde avec Jean Giraud et Jean-Pierre Dionnet le magazine Métal Hurlant et la maison d’édition Les Humanoïdes Associés. Parmi ses œuvres les plus significatives, il conviendra de signaler Elric le nécromancien, d’après l’œuvre de Michael Moorcock, La Nuit, album sombre et anarchiste, la trilogie Salammbô, inspirée par le roman éponyme de Gustave Flaubert et naturellement la dizaine d’albums mettant en scène Lone Sloane ou encore Métal esquisses. Indépendamment de cette dimension bédéiste et illustrative, Druillet s’est également attaché à l’opéra rock, la peinture, la sculpture, l’architecture ou encore l’infographie. Il n’en fallait pas moins pour une telle nature !

Salammbo Les Nus Druillet 01
Salammbô – Les Nus – Planche 20 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 21 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 22 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 25 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 26 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 27 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 30 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 33 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 39 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 42 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

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Salammbô – Les Nus – Planche 43 – © Éditions Glénat 2010 – © Philippe Druillet 2009

ŒUVRE

Il est facile de retrouver dans Salammbô – Les Nus l’univers de prédilection de son auteur que sont les figures ésotériques du symbolisme religieux propres aux sociétés initiatiques traditionnelles. Ainsi les figures géométriques que sont les cercles, triangles, carrés et autres polygones se retrouvent littéralement sublimées. On déclare volontiers que Gustave Doré fut son maître à dessiner, que Gustave Moreau son maître à peindre et que le Gustave version Flaubert son maître à écrire. Une Sainte Trinité qui offrit à l’élève la possibilité de s’ériger en authentique démiurge. Et les figures du Salammbô – Les Nus trahissent magistralement cette démiurgie. La quarantaine de portraits de femmes, « objets de ses fantasmes, miroirs de ses blessures » pour reprendre la préface signée Michel-Édouard Leclerc, aux Éditions Glénat, sont l’incarnation de Déesses sublimes aux parures rouge et or. Elles donnent à voir des corps et des visages tout de bleu, le bleu de l’immensité, vertige océanique au sein duquel l’âme humaine aime à se perdre. Elles ont le port altier, le regard primal, les traits aquilins et la poitrine démesurément généreuse. Cette dernière se dresse, s’érige dans d’infinies postures provocantes, tels des phallus dont il faudrait voler la primauté. Ces déesses nous font immanquablement penser aux Vénus de l’art pariétal, hymne symbolique à la fertilité, à la puissance génitrice évocatrice. Puissance et générosité se conjuguent ainsi pour faire jaillir de ces femmes tout l’Éros fantasmé par notre condition de simple mortel. Mais prenons garde ! Il ne s’agit nullement ici d’un Éros qui renverrait à notre condition charnelle et éphémère, humaine, trop humaine. Cet érotisme nous invite au contraire à porter notre regard par-delà les cieux dans l’espoir ténu d’apercevoir une figure tutélaire divine, archétype immuable et éternel de la beauté faite femme. En ce sens, au travers du prisme poétique de Flaubert, combiné au trait puissant de Druillet, Salammbô – Les Nus nous entrouvre les portes de l’éternité.

Vidéos

Salammbô revu par Druillet. Le Figaro.

« Je rêve avec les nus de Salammbô ». linvite de TV5MONDE.

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