Jérôme Noirez
Quatre romans constituent la tétralogie Les Voyageurs. Bien qu’établissant des liens entre eux, ces quatre récits peuvent toutefois se lire indépendamment. Le fil conducteur se base sur l’idée d’un exode terrien vers l’espace, à la suite d’une vie rendue impossible sur Terre, surexploitation des richesses, pollutions et conflits armés obligent. Lors de cet exil forcé, ces derniers y rencontrent les différents peuples et races qui constituent l’Union Galactique, prompte à aider ces réfugiés quelque peu désemparés. Et cette série de nous conter les singulières relations entre ces différentes espèces unies par un lien fragile au sein de cette organisation. Les Voyageurs, publiés aux éditions L’Atalante ont imprégné le Landerneau de nos littératures, comme en témoignent les nombreux prix engrangés : Prix Hugo de la meilleure série 2019, Prix Ignotus Awards 2019 et 2021 pour L’Espace d’un an et Libration, Prix Julia Verlanger 2017 pour le diptyque L’Espace d’un an et Libration. La tétralogie offre, il est vrai, une approche résolument optimiste, éloignée des traditionnels récits plus ou moins teintés d’un pessimisme parfois éprouvé. Une belle note de fraîcheur dans notre univers éditorial.

Infos pratiques

Tome 1 : L’Espace d’un an (The Long Way to a Small, Angry Planet)
Tome 2 : Libration (A Close and Common Orbit)
Tome 3 : Archives de l’exode (Records of a Spaceborn Few)
Tome 4 : La Galaxie vue du sol (The Galaxy, and the Ground Within)

Becky Chambers

États-Unis

Marie Surgers

Clémence Haller (Édition classique, T1, T2 et T3), Nicolas Sarter (Édition classique T4 et Édition collector)

Gilles Ganache

L’Atalante

La Dentelle du Cygne

Réédition (T1, T2 et T3) et Inédit (T4)

4 tomes, 1 536 pages

Tome 1 : 12 mai 2022 pour l’édition collector (2014 pour la parution originale)
Tome 2 : 3 novembre 2022 pour l’édition collector (2016 pour la parution originale)
Tome 3 : 9 mars 2023 pour l’édition collector (2018 pour la parution originale)
Tome 4 : 4 mai 2023 pour l’édition collector (2021 pour la parution originale)

Tome 1 : 448 pages
Tome 2 : 384 pages
Tome 3 : 368 pages
Tome 4 : 336 pages

Grand Format

Tome 1 : 24,50 euros (Édition classique), 26,50 euros (Édition collector)
Tome 2 : 22,50 euros (Édition classique), 26,50 euros (Édition collector)
Tome 3 : 22,50 euros (Édition classique), 26,50 euros (Édition collector
Tome 4 : 20,50 euros (Édition classique), 26,50 euros (Édition collector)

Tome 1 : 979-10-360-0114-
Tome 2 : 979-10-360-0126-0
Tome 3 : 979-10-360-0021-8
Tome 4 : 979-10-360-0144-4

© Éditions l’Atalante, 2019-2022 — © Ada Palmer, 2016-2021

Prix Hugo de la meilleure série 2019, Prix Ignotus Awards 2019 et 2021 pour L’Espace d’un an et Libration, Prix Julia Verlanger 2017 pour L’Espace d’un an et Libration

Les Voyageurs

Becky Chambers

Éditions L’Atalante

Chronique réalisée par Frank Brénugat

NOTRE ÉVALUATION

Histoire
Écriture
Personnages

HISTOIRE

L’Espace d’un an, premier volume de la tétralogie Les Voyageurs, conte les aventures de Rosemary, jeune femme engagée comme greffière à bord du « Voyageur », tunnelier chargé de forer de nouvelles routes de l’espace. Une année galactique est prévue pour mener à bien cette délicate mission, mission d’autant plus hasardeuse qu’elle oblige le capitaine et son personnel interespèce à devoir forer dans une zone frontalière non dénuée de dangers. Notre héroïne découvre à son bord une vie extraterrestre dont elle ne soupçonnait guère la richesse. Cherchant à s’intégrer au mieux à cet improbable et hétéroclite équipage, elle s’efforce avec toute la bienveillance qui est la sienne de comprendre les us et coutumes des différentes espèces qui composent le vaisseau. Bien que faisant partie d’espèces différentes, cette petite communauté peuplée d’une dizaine de membres d’équipage présente un visage des plus unis et chaleureux. Une bienveillance confortée par Lovelace, l’IA du bord, qui se découvre une profondeur existentielle non dénuée d’humanité et qui se verrait bien faire le grand saut vers l’inconnu en se transférant dans un être artificiel de chair et de sang. / Le second opus, Libration, abandonne ce bel équipage pour se concentrer sur la seule Lovelace, ayant accepté — et ce, contre toutes les lois en vigueur — d’intégrer un corps synthétique. Devenue enfin humaine, l’intéressée découvre combien cette nouvelle vie se montre bien éloignée du long fleuve exaltant espéré. Un champ de vision restreint, une absence d’accès au réseau et une difficile maîtrise de ses émotions achèvent de décourager notre protagoniste. Fort heureusement, celle-ci se voit épauler par Poivre, jeune adolescente mécano ayant réussi à échapper à sa condition d’esclave. Condamnée — comme tant d’autres jeunes filles de son âge — à assurer la réparation de machines endommagées, la voilà qui parvient à s’extirper de cet enfer productiviste. Sa fuite l’amènera à se lier d’amitié avec une IA, abandonnée dans une casse, mais présentant toujours quelques signes de vie. En s’épaulant l’une l’autre, et au bout de nombreuses luttes et de non moins nombreuses années, elles parviendront à quitter cette sordide planète en vue de se reconstruire une vie meilleure, quelque part dans le firmament de l’espace. / Troisième opus, Archives de l’exode nous met en présence de multiples personnages aux parcours différents et tous désireux de donner un sens à leur vie. Certains rêvent de quitter la Flotte, tandis que d’autres espèrent pouvoir un jour l’intégrer. Cette Flotte d’exode, ayant délaissé une Terre moribonde et qui s’ingénie depuis longtemps à disséminer les rejetons de l’espèce humaine à travers les étoiles. D’autres protagonistes s’approprient également ce récit, comme cette archiviste nous contant les premiers et difficiles rapports entre les Humains et l’Union Galactique ou Tessa, la sœur d’Asbhy, capitaine du « Voyageur » rencontré dans le premier tome. Chacun d’entre eux, humains comme non-humains, témoigne de sa difficulté à affronter la vie, découvrant le délicat exercice du choix au sein de ces folles immensités de l’espace. / Quatrième et dernier opus de cette tétralogie, La Galaxie vue du sol nous convie à une halte dans l’Auberge des Cinq-Sauts sur la planète Gora, petite planète n’offrant guère d’intérêt. Cette sympathique auberge se fait fort d’accueillir toutes les espèces vivantes intelligentes, les intells, en leur offrant le couvert et les lieux de détente appropriés à leur morphologie et à leurs habitudes. Des prestations qui ne visent qu’à maintenir quelques heures tout au plus leurs hôtes avant le décollage de leur vaisseau. Mais un grave incident condamne ces différentes communautés à devoir rester sur place, une explosion accidentelle ayant occasionné une rupture des communications. Et nos protagonistes d’explorer les vertus socratiques du dialogue interespèce, mettant à profit ce temps imposé pour engager une conversation avec l’intell d’à côté. Et peut-être dépasser certains préjugés le concernant…

THÉMATIQUE

Becky Chambers aborde différents thèmes au sein de cette tétralogie. Est mise en avant la question cruciale de l’avenir des IA, lesquelles, potentiellement douées de conscience, voire de conscience de soi, pourraient aspirer à s’émanciper du joug de leur créateur. Schéma freudien s’il en est. Est également évoquée la question non moins fondatrice de notre rapport à l’autre, a fortiori avec l’émergence dans notre champ de perception et de conscience d’autres espèces intelligentes, les intells. Enfin se pose le délicat problème de la reconstruction d’un peuple — ici l’espèce humaine — condamné à l’exode et confronté aux nombreux enjeux existentiels et métaphysiques qui s’y rattachent. De ces trois questionnements, nous retiendrons le dernier, au regard des nombreux déploiements que l’auteur livre tout au long de cette tétralogie. Ainsi, les Humains ayant mis à sac la planète Terre à la suite d’une surexploitation des richesses, associée à de multiples conflits armés, ont été contraints d’abandonner cette Terre moribonde au profit d’un exil vers les confins de la Galaxie. Dans leur fuite éperdue, les voilà qui rencontrent fortuitement l’Union Galactique, union regroupant de nombreuses espèces intelligentes qui leur offrent non seulement la bienvenue, mais également les ressources nécessaires pour un nouveau départ. Notre civilisation, encline à la violence, aurait probablement disparu corps et âme sans cette main secourable. « Malgré les différences entre nos espèces et nos cultures, nous avons un ordre commun. Le développement d’une civilisation est un événement prédéterminé. Des esprits s’unissent pour produire de nouvelles technologies, puis de meilleures technologies. S’il est impossible de trouver une harmonie, cette civilisation s’effondre. Si des points de vue incompatibles émergent, cette civilisation s’effondre. Si une civilisation ne peut pas résister aux menaces extérieures, cette civilisation s’effondre. Les spécialistes de la vie intell notent que toutes les jeunes civilisations passent par des stades de développement similaires avant d’être prêtes à quitter leur monde d’origine. Le stade le plus crucial est sans doute celui du “chaos intra-espèce”. C’est le test, l’adolescence malhabile, qui voit une espèce apprendre à collaborer globalement ou se dissoudre en factions rivales vouées à l’extinction, suite à des guerres ou à des désastres écologiques trop graves pour être réglés autrement que dans l’union. Nous avons vu ce processus se dérouler à d’innombrables reprises. » Ce passage reprend en cela les excellentes analyses du collapsologue Jared Diamond, lesquelles ne manquent jamais de souligner combien seules les sociétés misant sur l’entraide peuvent prétendre survivre, là où les sociétés égoïstes se condamnent d’elles-mêmes à leur propre anéantissement. Vérité d’évidence soulèveront les uns. Utopie rétorqueront les autres. Il est vrai que Chambers s’efforce d’illustrer le bien-fondé de la première, sans omettre pour autant nos difficultés à surmonter nos différences. Une lecture abordée avec beaucoup d’intelligence, écartant l’écueil du propos édifiant et moralisateur. Chambers laisse ainsi entendre que certaines lois, de nature biologisante, gouverneraient notre Histoire, schéma assez proche en son temps d’un certain Oswald Splengler. Il nous faut conquérir l’étape supérieure, dans un idéal commun, en vue de pouvoir atteindre les étoiles. Schéma évolutionnisme qui n’occulte sans doute pas pour autant les révolutions, pour nécessaires qu’elles soient. Seul semble faire défaut le mode d’emploi, même s’il apparaît que la bienveillance dont font preuve les protagonistes du récit peut s’avérer une voie à suivre. Toutefois, entre la montée des nationalismes, les dérives néo-libérales, les replis communautaristes religieux et les diverses radicalités écologistes comme wokistes, notre terrestre humanité risque bien plutôt de rejoindre le destin tragique des Grums — espèce en voie d’extinction — que celui plus profitable des intells peuplant l’Union Galactique…

NARRATION

La force narrative de la tétralogie de Chambers réside assurément dans le déploiement des différentes espèces intells qu’elle met en scène. La richesse et les descriptions auxquelles se livre l’auteure de ces intells ne sont pas sans rappeler par certains aspects une autre tétralogie, Le Cyle de Tschaï du grand Jack Vance, lequel met en avant quatre espèces intelligentes dont les tableaux nous offrent un beau terrain de jeu anthropologique. Chambers, contrairement à Vance décrivant chaque espèce sous le couvert d’un tome dédié, nous présente une panoplie d’espèces dont on retrouve les descriptions tout au long de la série. Et force est de constater combien ses approches se montrent à la fois rigoureuses et enivrantes. Une dizaine d’intells ont ainsi les honneurs de sa plume — Akaraks, Aandriskes, Aéluons, Grums, Harmagiens, Quélins, Laru, Sianats, Torémis pour les principales — dont les portraits traduisent toute la sincérité et l’attachement de son auteure à leur égard. Une belle exécution, laquelle nous permet de saisir tant les joies que les affres de telle ou telle espèce. Les Voyageurs constituent une véritable ode au multispécisme, où les rencontres hétéroclites et bigarrées se montrent toujours riches d’enseignement sur telle ou telle espèce d’intells. On n’ose à peine imaginer les richesses culinaires, esthétiques, artistiques, linguistiques qu’un tel maelstrom de variétés peut mettre à notre disposition… Chambers parvient à nous faire vivre cette belle et aventureuse expérience de l’autre, avec une sincérité jamais prise en défaut. Celle-ci en profite pour afficher certaines positions sociétales, comme le véganisme ou la liberté sexuelle — certaines espèces se montrent ainsi horrifiées à l’égard des pratiques alimentaires humaines, lesquelles mettent à leur menu mammifères et consommation de lait. Ces propos, parfois maladroits dans leur énoncé, ont toutefois le courageux mérite de nous interroger sur notre rapport au vivant — intolérables pratiques de l’élevage intensif à l’égard de la condition animale par exemple. Comme le fait remarquer Chambers à l’un de ces intells, il est possible de « débattre éternellement des différences culturelles sans jamais réussir à franchir certains gouffres. » Dont acte. Chambers profite également de son récit pour introduire l’écriture inclusive dont elle use et abuse, sous le couvert de courts chapitres énoncés par l’Institut reskit des migrations interstellaires. Schéma tout à fait respectable et intelligible pour un auteur, une femme auteur, une auteure, une autrice — rayez les mentions inutiles — qui s’inscrit dans un schéma dit progressiste. Toutefois, à cette écriture inclusive pour les un·e·s, correspond manifestement une lecture exclusive pour les autres — entendre de celle qui exclut. Il nous faut ainsi, pauvres lecteurices supporter les « courageuxes explorateurices », « récupérateurices », « bâtisseureuses », « mineureuses » « ielleux » et autres « freurs ». N’en jetez plus ! Sans omettre les traditionnels tics de langage propres à ce révisionnisme linguistique… On s’affranchira plutôt de ce nouveau diktat en fréquentant les ouvrages du linguiste et lexicographe Jean Szlamowicz, pour qui « le jargon inclusiviste ne décrit pas, il incrimine. » Ce dernier se montre bien plutôt l’expression d’une corruption des mots et des pensées à l’œuvre dans le wokisme, nouvelle secte identitaire et totalitaire dont les nouveaux Gardes Rouges se veulent les chantres et les gardiens du Temple… Une performance qui pique quelque peu les yeux et qui, espérons-le, en restera au simple exercice de style… Passée cette épreuve de force — qui a le don de diviser au lieu de rassembler —, nous ne pouvons que nous laisser séduire par une écriture alerte, dont les narratifs servent invariablement l’élégance du propos. Les dialogues s’avèrent bien ciselés et permettent en ce sens de mieux appréhender la richesse visible comme sous-jacente des différents portraits d’intells qui parsèment le récit, au détriment cependant d’une action souvent laissée pour compte. Un récit qui ne manque pas de respiration, c’est toujours bon à prendre.

Les Voyageurs – Tome 1 – L’Espace d’un an
Les Voyageurs – Tome 1 – Édition Collector – L’Espace d’un an — © Becky Chambers, 2014 — © Éditions L’Atalante, 2022 — Illustration de couverture © Nicolas Sarter, 2022 — Traduction © Marie Surgers, 2019

Les Voyageurs – Tome 2 – Libration
Les Voyageurs – Tome 2 – Édition Collector – Libration — © Becky Chambers, 2016 — © Éditions L’Atalante, 2022 — Illustration de couverture © Nicolas Sarter, 2022 — Traduction © Marie Surgers, 2020

Les Voyageurs – Tome 3 – Archives de l’exode
Les Voyageurs – Tome 3 – Édition Collector – Archives de l’exode — © Becky Chambers, 2018 — © Éditions L’Atalante, 2023 — Illustration de couverture © Nicolas Sarter, 2023 — Traduction © Marie Surgers, 2021

Les Voyageurs – Tome 4 – La Galaxie vue du sol
Les Voyageurs – Tome 4 – Édition Collector – La Galaxie vue du sol — © Becky Chambers, 2021 — © Éditions L’Atalante, 2023 — Illustration de couverture © Nicolas Sarter, 2023 — Traduction © Marie Surgers, 2023

Lecture

Véritable hymne à l’amour et à la différence, l’auteure nous montre combien les lois de l’amour, imprévisibles par nature, semblent vouloir se défier des lois de la race ou du politique. En cela, elle s’inscrit dans une démarche résolument progressiste, voire wokiste, même si elle ne parvient pas toujours à l’exprimer d’une façon totalement transparente. Le discours, incarné, se révèle parfois quelque peu démonstratif, voire édifiant. Une ferveur qui sert néanmoins l’intérêt du récit, lequel vise à déployer le foisonnement de toute relation, tant dans son dit que dans ses non-dits. Le dialogue, au sens socratique, y apparaît comme ce merveilleux outil permettant de prétendre faire l’expérience de l’autre, quand bien même nous serions tous condamnés au solipsisme, notre propre conscience ne pouvant connaître d’autre réalité en dehors d’elle-même. Par ses descriptions, ses dialogues justement, Chambers parvient à nous faire sortir de temps à autre de cette fâcheuse insularité. Nous y découvrons alors, indépendamment des différentes espèces d’intells, combien la question du sens se montre récurrente et obsessionnelle pour les uns comme pour les autres. Quelle que soit notre appartenance à telle ou telle espèce, se pose inlassablement notre désir de faire sens, noyés que nous sommes parfois dans cet océan de libertés. Quand bien même l’IA Lovelace semble vouloir contredire cette vérité d’évidence, en parlant des intells : « Vous cherchez désespérément un but alors que vous n’en avez pas. » Les personnages de Chambers s’inscrivent en cela dans la pure tradition sartrienne, en ce que l’homme n’est pas une donnée prédéterminée, mais bien un pro-jet — à advenir donc. Et dès lors condamné à être libre, autrement dit condamné à devoir toujours faire des choix et à répondre de ces derniers. D’où la difficulté à faire sens. Derrière la question du sens se profile insidieusement la question délicate de l’identité (identité sexuelle, raciale, politique, spirituelle, existentielle), dont les frontières s’avèrent parfois plus mouvantes que désiré. Certains protagonistes ne le savent que trop bien, en témoignent les Sianats, espèce intell dont les enfants sont infectés par un neurovirus lors d’un rituel. Leurs fonctions cérébrales ainsi modifiées, ils peuvent percevoir intuitivement la nature multidimensionnelle de l’univers, avec pour malencontreuse contrepartie une durée de vie grandement limitée. Sauf à vouloir se séparer de leur hôte, pour devenir des Sianats solitaires, opération jugée hérétique puisque fortement contraire à la coutume. Assurément, le cycle offre à ses lecteurs un beau voyage en altérité, témoignant par-là combien nos alter egos — espèces intells obligent — conjuguent à la fois nos différences et nos ressemblances. Si les deux premiers tomes se montrent franchement réussis, au regard des enjeux et d’une certaine dynamique narrative, les derniers s’avèrent toutefois moins exaltants, l’auteure préférant mettre en valeur certaines questions essentielles au détriment d’une action qui s’étiole de récit en récit. Les amateurs d’histoires flamboyantes et testostéronées, de combats tonitruants et étincelants et de space opera aux pérégrinations plus ou moins épileptiques passeront aisément leur chemin. Point de rocambole ici, mais plutôt une invitation à l’introspection. Prendre plaisir à l’échange, en savourant les dialogues des uns et des autres, tout en partageant leurs doutes. Si la tétralogie ne semble point renouveler le genre — pari audacieux, il est vrai, au regard de la profusion des récits disponibles —, elle n’en constitue pas moins, selon la formule consacrée, une lecture fort recommandable — et des plus rafraîchissantes qui plus est. Des histoires qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres, lesquelles tiennent ici davantage lieu de chroniques. Une tétralogie résolument optimiste. En témoigne cette singulière maxime véhiculée en toute fin de récit : « Grâce au sol, debout ; grâce aux vaisseaux, vivants ; par les étoiles, l’espoir. »

Vidéos

Becky Chambers – L’Espace d’un an et Libration. librairie mollat.

Becky Chambers et la SF positive ! Camelote Magicadou.

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