Jérôme Noirez
Jérôme Noirez
Jérôme Noirez
Face au succès mérité du superbe Demain, les animaux du futur disponible aux éditions Belin, revoilà nos deux compères, le paléoartiste Marc Boulay et le paléontologue Sébastien Steyer, lesquels récidivent pour notre plus grand bonheur, accompagnés cette fois-ci d’un troisième complice, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Roland Lehoucq, bien connu dans nos contrées sciences-fictionnelles pour être le président du festival Les Utopiales et l’auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique, dont notamment La SF sous les feux de la science et SF : la science mène l’enquête, tous deux disponibles aux éditions Le Pommier. Concernant notre ouvrage Combien de doigts a un extraterrestre ? — Le bestiaire de la SF à l’épreuve des sciences, disponible aux éditions Belin et en partenariat avec le magazine Pour la Science, notre trio s’intéresse à moult problématiques concernant la nature d’un bestiaire imaginaire, toutes plus pertinentes les unes que les autres, cherchant à jauger à l’aune de nos connaissances scientifiques la faisabilité de telle ou telle construction intellectuelle échafaudée par nos auteurs de science-fiction à l’imagination souvent débordante… mais parfois fantasque, le souci de crédibilité à l’égard de l’immuabilité des lois de la Nature n’étant guère de mise. Enquête des plus passionnantes s’il en est !

Infos pratiques

Combien de doigts a un extraterrestre ?

Roland Lehoucq,
Sébastien Steyer
et Marc Boulay

France

Belin

Magazine Pour la Science

Souple

Novembre 2016

240 pages

16,0 x 22,0 x 1,6

19,90 euros

978-2-410-00261-4

© Éditions Belin, 2016
© Marc Boulay pour les illustrations, 2016

Retrouvez
la chronique

Demain, les animaux du futur 

Combien de doigts a un extraterrestre ?

Roland Lehoucq,
Sébastien Steyer
et Marc Boulay

Éditions Belin

Chronique réalisée par Franck Brénugat

NOTRE ÉVALUATION

Analyses
Références
Intérêt
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THÉMATIQUE

La fiction scientifique est née en Europe sous la houlette d’auteurs fascinés par la science comme le furent Jules Verne ou encore Rosny Aîné, se nourrissant des découvertes scientifiques les plus notables de leur temps. Puis une scission s’opéra laissant la science et la fiction orphelines de leur moitié envolée, la première tout entière rattachée au seul rationalisme et la seconde condamnée aux seules productions de l’imaginaire. S’il est commun a priori de juger imperméable la frontière qui les sépare, il conviendra de noter que l’usage qu’elles font l’une de l’autre ne saurait passer sous silence cette symbiose en réalité des plus productives. Et le sous-titre Le bestiaire de la SF à l’épreuve des sciences entend bien par son jeu de questions/réponses nous offrir une réconciliation des plus salvatrices.

L’enquête est donc menée afin de savoir si les univers de la science-fiction dont tant d’écrivains, réalisateurs, dessinateurs et autres faiseurs d’imaginaire de tout poil nous abreuvent tiennent un tantinet leurs promesses sur l’autel de la science et de la raison, ou s’ils relèvent d’un pur fantasme d’auteurs ayant quelque peu abusé de substances illicites. La physique, la chimie, la biologie et la géologie serviront ainsi de terrain de jeu à notre trio pour démêler les auteurs inspirés des faussaires (sur la question entendue de la crédibilité scientifique) afin de savoir si les créatures issues de l’imagination des uns et des autres pourraient prétendre à une quelconque possibilité matérielle ou non.

Pour les lecteurs ou spectateurs curieux que nous sommes, nous interroger sur la viabilité des créatures de science-fiction issue des neurones fertiles de leur démiurge s’avère parfaitement légitime. Et de nous demander pourquoi les Petits-Gris de moult réalisateurs ont tous une grosse tête et un corps filiforme. Pourquoi les humains du futur se dénotent-ils de nos contemporains par une hypertrophie si disgracieuse de la boîte crânienne ? Pourquoi les aliens ont-ils tous cette fâcheuse tendance à n’offrir de leurs courbes qu’une version désespérément anthropoïde ? De quelle espèce animale se rattachent Yoda et Jabba le Hutt de la franchise Star Wars, si l’on respecte les contraintes évolutionnistes de Mère Nature ? Et cette fameuse Force — dont on découvre dans le premier épisode La Menace fantôme qu’elle a comme support matériel d’étranges organismes microscopiques nommés midichloriens — a-t-elle certaines correspondances ou équivalences dans notre réalité matérielle ? Au regard de sa taille démesurée d’environ 400 mètres de long pour 80 mètres de large, le ver géant qui hante les déserts de sable de la saga Dune peut-il techniquement se déplacer ? Et quid de la locomotricité de notre sympathique lézard Godzilla dont l’embonpoint connaît une inflation galopante de film en film, avec pas moins de 150 mètres de hauteur dans le dernier remake ? À toutes ces questions peu convenues, notre trio d’apporter leur lot de réponses.

Lecture

Belle combinaison assurément que celle de notre couple symbiotique Sébastien Steyer et Marc Boulay avec « notre bon professeur Lehoucq » pour reprendre la terminologie consacrée de nos amis de chez Bifrost. Surfant sur le succès mérité de Demain, les animaux du futur, notre binôme délaisse le prospectivisme évolutionniste pour porter son travail sur les contraintes rencontrées par les auteurs de science-fiction dans l’élaboration de leur bestiaire imaginaire. Un troisième et drôle d’animal s’est greffé à cette aventure : Roland Lehoucq, bien connu des lecteurs du trimestriel Bifrost, lequel auteur ne manque jamais de nous éclairer de ses larges connaissances — en physique notamment — qu’il confronte aux univers créés de toutes pièces par nos faiseurs de rêves, afin de déceler, boulier à l’appui, les éventuels manquements aux lois élémentaires de la Nature. Un redoutable empêcheur de rêver en rond… mais grand bien nous en fait !

Comme évoqué précédemment, la question nous est posée de savoir quel degré de véracité scientifique accompagne les productions science-fictionnelles. Que la question ne se pose guère dans les registres du fantastique ou de la fantasy, cela se comprend aisément, la plausibilité n’étant guère l’argumentaire de vente principal de ces derniers. En revanche, concernant les œuvres de science-fiction, la démarche est tout autre et la question de la légitimité se justifie naturellement. Et combien de doigts a un extraterrestre ? ne manque pas d’en poser un certain nombre. À la lecture du sommaire, on mesure combien les interrogations jouent la carte de la diversité, par l’entremise d’une quarantaine d’entrées interrogeant certaines des œuvres de science-fiction les plus célèbres et les créatures les plus emblématiques du registre idoine. Petits-Gris des films d’extraterrestres, X-Men, Superman, Jedis, maître Yoda, Jabba le Hutt, Godzilla, Aliens, morts-vivants et quelques autres venus prêter main-forte sont ainsi au menu.

L’ouvrage est construit autour d’une quarantaine d’entrées, dont chacune embrasse une problématique précise, en référence directe à telle ou telle œuvre science-fictionnelle. Chaque questionnement se voit attribuer quelque cinq pages d’élucidation, illustrations incluses. Nos scientifiques nous éclairent dans un langage clair et didactique sur les considérations qui nous occupent, sans omettre pour autant une certaine légèreté bienvenue. L’ouvrage foisonne littéralement d’explications fort instructives et toujours plaisantes à la lecture. N’oublions pas que l’ouvrage s’adresse au grand public et que les éditions Belin ont le souci de la didactique comme métier. Cette pédagogie prend notamment forme dans le champ lexical où de nombreux termes savants font leur apparition. Ainsi, concernant par exemple la question des zombies au sous-chapitre « Quand les morts sortent de terre », les néophytes — dont votre serviteur — se confrontent à moult découvertes lexicales comme celles de thanatocénose, biocénose, taphonomie ou encore celle d’actualisme. Mais rassurons d’emblée le lecteur : rigoureusement rien d’insurmontable ou de rédhibitoire. Au contraire, une véritable invitation à élargir notre désir de connaissances. On appréciera naturellement l’omniprésence des références sciences-fictionnelles, lesquelles vont à l’essentiel en s’appropriant les incontournables blockbusters et quelques mythes fondateurs. Les illustrations signées par notre paléoartiste et creature designer Marc Boulay s’avèrent toujours aussi enivrantes. L’intéressé prend vraiment son travail à cœur afin de donner à voir des œuvres toujours aussi crédibles sur le plan fonctionnel — aidé en cela par son compère Sébastien Steyer — mais dont la beauté n’a rien à envier à leur performance technique. On retrouve dans cet ouvrage quelques créations déjà vues dans le précédent opus Demain, les animaux du futur. On ne pourra que regretter, au risque de nous répéter — la critique valant également pour l’ouvrage précité — un écrin qui ne rend nullement hommage à ce superbe travail de creature design. Certes, le corps de métier des éditions Belin n’est pas de concevoir des artbooks, mais quelle frustration de devoir se contenter d’une mise en pages étriquée et qui plus est revue a minima par rapport au titre précédent… Reproche et non regret cette fois-ci, un rédactionnel qui outrepasse le sous-titre — Le bestiaire de la SF à l’épreuve des sciences —, quelques entrées n’ayant qu’un rapport lointain pour ne pas dire suspect avec la thématique affichée. Un index se rapportant aux noms des créatures imaginaires et des œuvres citées aurait été le bienvenu. Voire un lexique. Ah, didactisme, quand tu nous tiens…

Que reste-t-il à la lecture de ce travail de vulgarisation scientifique orchestré pour le compte des éditions Belin en partenariat avec le magazine Pour la science ? Une lecture qui s’achève rapidement, trop rapidement assurément. Nous n’aurions point boudé notre plaisir avec quelques entrées supplémentaires… Combien de doigts a un extraterrestre ? témoigne d’une excellente initiative, servie par un texte éclairant et des illustrations toujours magnifiques. Une approche des plus judicieuses pour rabibocher nos sœurs Science et Fiction. « En lisant ces pages, nous espérons que l’alliance entre science et science-fiction vous permettra aussi de voyager vers la « frontière de l’infini » pour explorer de Nouveaux Mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et au mépris de l’ignorance, diffuser les connaissances. » À la lecture de ces toutes dernières lignes de l’avant-propos, il faut bien avouer que le pari est amplement réussi. Et même au-delà.

SOMMAIRE

Chapitre 1 : Humanoïdes augmentés

Pourquoi tant de grosses têtes dans la science-fiction ?
Les X-men, des mutants prometteurs
Superman est-il une super-fourmi ?
Respirer… comme un poisson dans l’eau
L’humain du futur dans la Science-fiction
Les cyborgs sont parmi nous !
L’ouïe superfine de Superman

Chapitre 2 : Un bestiaire extraterrestre

Un amphibien d’une galaxie lointaine Yoda est-il ?
Le sexe chez les extraterrestres
Trop d’extraterrestres à notre image
Pour quelques pattes de plus…
Combien de doigts a un extraterrestre ?
Des aliens pas si rapides
Jabba le Hutt, une limace de l’espace ?

Chapitre 3 : Classiques revisités

Quand les morts sortent de terre
Godzilla, le réveil d’un dinosaure ?
Des vampires pas si imaginaires
Le cochon, roi de la fiction
Alien : enquête culte de la SF
Le fantasme de l’invisibilité
Les dinosaures de la science-fiction

Chapitre 4 : Si loin, si proches…

Monstres tentaculaires
Fascinants cousins
Les plantes fantastiques
La Force des Jedis
Tempête de sable sur Dune
Visions d’un autre monde
Armures à toute épreuve
Matière à fiction
Ces mondes glacés qui hébergeraient la vie
Menaces invisibles

Chapitre 5 : Est-ce bien raisonnable ?

Le retour des Titans
La Force des Jedis, une question de puissance
Les vers de la démesure
Des sauteurs hors compétition
Le vol du banshee
Déformer l’espace pour voyager plus vite

Coda

L’art de fabriquer des monstres

Vidéos

Sébastien Steyer, Marc Boulay. Cité des sciences et de l’industrie.

Découvrir des Extra-Terrestres serait une très mauvaise nouvelle. AstronoGeek. 

Sites internet

SITES SÉBASTIEN STEYER